À QUOI RESSEMBLERA LE QUÉBEC DE 2030?

Le Québec connaîtra au cours des prochaines années des changements démographiques qui le transformeront profondément.  L’effet du vieillissement de la population sera puissant, autant du point de vue social qu’économique et financier. Le niveau plus élevé du capital humain des nouvelles cohortes de travailleurs augmentera la productivité du travail. L’immigration transformera le visage social du Québec et en soutiendra de plus en plus les forces productives.

Ces changements auront des impacts complexes sur le Québec qu’il est important de prévoir le mieux possible. Une équipe de chercheurs du programme de recherche SIMUL [voir www.simul.ca pour plus de détails] a eu la chance au cours des deux dernières années de commencer à travailler sur ces questions des plus importantes pour l’avenir de notre société. Le programme de travail principal a consisté en la modélisation des effets des changements démographiques à prévoir sur les variables sociales, économiques et fiscales principales du Québec.

La modélisation de l’évolution du Québec entre 2012 et 2030 s’appuie à la base sur un vaste échantillon représentatif d’individus et de ménages québécois, sur plusieurs enquêtes rétrospectives et longitudinales, ainsi que sur des données prospectives sur la composition future de la population québécoise.  Une méthodologie propre aux modèles de micro-simulation est utilisée pour obtenir des prévisions sur la population québécoise. Les phénomènes démographiques et économiques principaux (natalité, mortalité, immigration, émigration, formation et dissolution des familles, départ du foyer familial, scolarité, revenu d’emploi, participation au marché du travail, revenus de retraite, etc.) sont modélisés de manière séquentielle à l’intérieur d’une période (une année). Des techniques telles que les régressions linéaires, les régressions logistiques et l’imputation stochastique sont employées pour déterminer le moment d’arrivée d’un événement ou le montant reçu d’une certaine forme de revenu, en fonction des caractéristiques de l’individu, traçant ainsi le lien entre les diverses variables démographiques et économiques.

L’impôt sur le revenu des particuliers et les cotisations sociales que doivent payer les individus ainsi que les transferts auxquels ils ont droit sont calculés selon les règles en vigueur en 2012, ou selon celles qui ont déjà été annoncées pour le futur (comme dans le cas de la réforme annoncée par le gouvernement fédéral des règles d’admissibilité aux prestations de la sécurité du revenu et du supplément de revenu garanti pour les personnes âgées). L’usage de ces règles permet de projeter assez précisément certains éléments pertinents aux perspectives fiscales du Québec, en particulier ceux touchant à la fiscalité des particuliers. La modélisation SIMUL permet en effet de tenir compte de l’évolution de la pleine distribution des caractéristiques des familles et des revenus pour calculer les impôts sur le revenu des particuliers, les cotisations sociales, les revenus de retraite et la plupart des transferts sociaux aux familles.

J’espère pouvoir consacrer quelques blogs futurs à exposer de manière non technique certains des riches résultats fournis par ce programme de recherche. Je profite de ce blogue pour en dresser les éléments les plus saillants concernant l’emploi et les revenus. (Ces éléments sont extraits d’un chapitre qui sera prochainement publié dans le Québec Économique 2012.)

Le vieillissement de la population entraînera tout d’abord une diminution importante du taux d’emploi et du nombre de travailleurs dans l’ensemble du Québec, malgré les effets de la hausse de la scolarité et de celle de l’immigration. Tous effets confondus, le taux d’emploi des individus de 16 ans et plus passera de 66,4 % en 2012 à 55,1 % en 2030, alors que le nombre total de travailleurs diminuera de 4,2 millions à 4,1 millions.

Le revenu de travail moyen (incluant les revenus nuls) diminuera légèrement en termes réels (en dollars de 2012, de 19 784 $ à 19 646 $) d’ici 2030. Le vieillissement exercera d’importantes pressions à la baisse sur celui-ci. Ces pressions seront cependant atténuées par les effets de la scolarité et du progrès technologique.

Les revenus de travail totaux augmenteront de 2012 à 2030, passant de 160,0 milliards $ à 175,5 milliards $, et ce, malgré la baisse du nombre de travailleurs. Cette augmentation s’explique par l’augmentation du revenu de travail par travailleur résultant des effets prévisibles de la scolarité et du progrès technologique.

Le vieillissement de la population accroîtra significativement l’importance relative des diverses formes de revenus de retraite. Cet effet sera amplifié par la croissance de la scolarité, qui mènera à une hausse des prestations privées de retraite, les individus plus éduqués ayant tendance à recevoir des pensions significativement plus élevées à leur retraite. Le taux d’admissibilité des femmes aux prestations de la Régie des rentes du Québec (RRQ) augmentera aussi fortement.

De façon générale, le revenu disponible moyen (après impôts et après transferts sociaux) devrait augmenter pour presque tous les groupes d’âge d’ici 2030. On prédit des hausses réelles moyennes entre 2 000 $ et 7 000 $ selon l’âge. Une exception concerne les jeunes adultes, dont l’entrée sur le marché du travail sera retardée par la prolongation prévue de leurs études, ce qui entraînera une baisse de leur revenu disponible. Une deuxième exception touche les individus âgés de 65 à 67 ans, qui seront affectés par la réforme des prestations fédérales de retraite annoncée en 2012 par le gouvernement du Canada.