Ce billet diffère des textes publiés habituellement sur Libres Échanges mais l’équipe éditoriale a estimé sa publication utile en raison de l’information qu’il apporte sur les mesures fédérales de soutien à l’économie en cette période d’incertitude.
La crise provoquée par la COVID-19 apporte son lot de changements rapides aux politiques publiques canadiennes. Dans son Plan d’intervention économique pour répondre à l COVID-19 le gouvernement fédéral en a effectué plusieurs. En réponse au ralentissement économique lié à l’épidémie de COVID-19, le Canada, à l’instar de d’autres pays, a mis en place des subventions salariales temporaires pour les entreprises.
D’abord, une première mesure de Subvention salariale temporaire aux entreprises de 10 % a été annoncée le 18 mars 2020[1]. Ensuite, les détails d’une deuxième mesure, la Subvention salariale d’urgence du Canada, dont le taux est de 75 % pour les entreprises subissant une diminution de 30 % de leur revenu brut, ont été annoncés le 1er avril 2020[2] et le 8 avril 2020[3].
Ces subventions salariales s’ajoutent au support direct aux employés qui perdent leur emploi offert via l’assurance emploi ou la Prestation canadienne d’urgence (PCU), ainsi qu’aux mesures spéciales du programme de travail partagé[4] de l’assurance emploi en vue de soutenir les entreprises subissant une baisse de leurs activités liée à l’impact de la COVID-19 ainsi que le revenu de leurs travailleurs.
Globalement, ces interventions visent directement les personnes perdant leur emploi par l’intermédiaire de la PCU, les travailleurs par le moyen de prestations d’assurance emploi venant remplacer 55 % du salaire perdu dans le cadre du programme de travail partagé et les entreprises-employeurs dans le cadre des subventions.
La présente analyse s’intéresse spécifiquement aux subventions salariales aux entreprises.
Subvention salariale d’urgence du Canada
La Subvention salariale d’urgence du Canada (SSU) est rétroactive au 15 mars 2020, et elle est offerte pour une durée de douze semaines.
À elle seule, la valeur de cette subvention est estimée à 73 milliards $ pour trois mois seulement. Pour réaliser l’ampleur de cette initiative, rappelons que dans le dernier budget les revenus de la TPS étaient estimés, avant la crise actuelle, à environ 41 milliards $ pour toute l’année 2020-2021.
Les conditions d’admissibilité
D’abord, il faut reconnaitre que cette subvention salariale ratisse très large. En effet, il n’y a aucun critère relatif à la taille de l’entreprise, même les grandes entreprises, incluant celles cotées à la bourse, y ont droit. De plus, parmi les employeurs admissibles, on compte les sociétés, les particuliers en affaires, les sociétés de personnes, les organismes sans but lucratif et les organismes de bienfaisance. Par contre, les organismes publics ne sont pas visés par cette subvention salariale.
En fait, le critère fondamental pour qu’une entreprise puisse bénéficier de la subvention salariale est qu’elle doit avoir perdu respectivement au moins 15 % de ses revenus bruts en mars et 30 % de ses revenus bruts en avril et en mai. en raison de l’impact économique du coronavirus. Les entreprises doivent d’abord démontrer leur baisse de revenus et faire état de la rémunération qui a été versée aux employés, sur une base mensuelle, afin d’obtenir la subvention salariale.
Lorsque le critère de réduction de revenus est satisfait pour un mois, il est possible d’obtenir l’aide pendant une période de quatre semaines. Une entreprise devra refaire une demande à chaque mois pour obtenir la subvention.
La réduction de revenus se calcule en comparant le chiffre d’affaires de mars, avril et mai 2020 par rapport au même mois l’an dernier. Dans le cas de la demande de subvention du mois de mars, puisque la période de demande débute au 15 mars, le seuil de 30 % de réduction du revenu brut a été ramené à 15%.
Des assouplissements sont prévus pour permettre aux organismes à but non lucratif de calculer leur réduction de revenu sans prise en compte des subventions gouvernementales. Une méthode alternative est également prévue afin d’évaluer l’ampleur de la perte de revenu brut; une entreprise pourra utiliser le revenu brut moyen de janvier et février 2020 pour fin d’évaluation de la réduction du revenu brut de mars, avril et mai.
Les contours de la subvention salariale d’urgence
La subvention correspond à 75 % de la rémunération hebdomadaire versée à un employé. Lorsque la rémunération versée à un employé n’équivaut qu’à 75 % et moins de ce qui lui était versé avant la crise, on utilise plutôt la rémunération versée (au complet) pour fins de calcul de la subvention. Précisons que la rémunération versée à un employé donné avant la crise serait fondée sur la rémunération hebdomadaire moyenne versée entre le 1er janvier et le 15 mars inclusivement, à l’exclusion de toute période de sept jours pour laquelle l’employé n’a touché aucune rémunération. Dans un cas comme dans l’autre, le plafond est fixé à 847 $ par semaine.
À ce montant viendra s’ajouter un remboursement de la totalité de certaines cotisations d’employeurs à l’assurance-emploi, au Régime de pensions du Canada, au Régime de rentes du Québec et au Régime québécois d’assurance parentale versées pour le compte d’employés rémunérés mais qui n’accomplissement aucun travail pour l’employeur au cours d’une semaine complète. Ce remboursement n’est pas assujetti à la prestation hebdomadaire maximale par employé de 847 $.
Il est important de noter que le montant de l’aide totale qui peut être versé à un même employeur ne comporte pas de montant maximal. De plus, les employés en poste avant la crise ainsi que ceux qui se sont ajoutés depuis sont admissibles à cette aide.
La rémunération admissible pour fins de calcul de la subvention peut comprendre les traitements, le salaire et les autres rémunérations. Toutefois, la rémunération n’inclut pas les indemnités de départ, ou d’autres avantages liés aux options d’achat d’actions ou à l’utilisation personnelle d’un véhicule d’entreprise par exemple.
Quant au lien avec la prestation canadienne d’urgence, un employeur ne peut demander la subvention salariale d’urgence du Canada que pour un employé qui a été rémunéré pendant plus de 14 jours consécutifs au cours de la période d’admissibilité pour laquelle la subvention est demandée. Enfin, en ce qui concerne l’obligation des employeurs de verser la totalité du salaire, soit le 25 % de la rémunération restante aux employés, le gouvernement apporte une réponse évasive, soit que l’employeur doit faire de son mieux pour ramener les salaires des employés au niveau d’avant la crise et produire une déclaration à cet effet.
Subvention salariale temporaire pour les entreprises de 10 % (18 mars 2020)
Les employeurs qui ne se qualifient pas à la Subvention salariale d’urgence du Canada peuvent cependant être admissibles à la subvention salariale temporaire pour les entreprises de 10 %. Celle-ci, annoncée le 18 mars 2020, est offerte pour une durée de treize semaines, et concerne la rémunération versée du 18 mars au 19 juin 2020. Les coûts de la mise en place de la Subvention salariale temporaire sont beaucoup plus modestes que ceux de la Subvention salariale d’urgence du Canada; elle est estimée à près d’un milliard $, contre 73 milliards $ pour la SSU.
Les critères d’admissibilité sont également différents. Le critère de réduction de 30 % (15 %) du revenu brut n’existe pas. Par contre, la subvention est limitée aux PME, soit aux employeurs admissibles bénéficiant de la déduction pour petites entreprises ainsi que les organismes à but non lucratif et les organismes de bienfaisance.
Cette subvention maximale est déterminée à l’aide de deux plafonds, soit un maximum de 1 375 $ par employé (sur la base de trois mois, le plein crédit s’appliquerait pour un salaire allant jusqu’à 55 000 $ annuellement) et d’un total de 25 000 $ par employeur (par exemple, si le salaire moyen de l’entreprise est de 40 000 $, cela permettrait de couvrir jusqu’à 25 employés).
Les entreprises peuvent bénéficier immédiatement de cette mesure de soutien en réduisant leurs versements de retenues à la source fédérales au titre de l’impôt sur le revenu de leurs employés.
Si la subvention surpasse le montant d’impôt à payer, il sera possible de réduire les prochains versements d’impôts même si ce versement concerne des rémunérations versées après le 20 juin 2020.
La subvention ne s’applique pas aux versements des cotisations sociales comme le Régime de pensions du Canada ou l’assurance-emploi.
Interaction et points communs aux deux subventions
Dans le cas où les deux subventions salariales sont touchées, le ministère des Finances du Canada prévoit que les montants reçus par les entreprises bénéficiant de la subvention salariale de 10 % seront réduits des montants de prestations de la subvention salariale d’urgence demandés pour la même période. Lorsque cela est possible, il peut néanmoins être avantageux de bénéficier des deux mesures afin d’optimiser le fonds de roulement de l’entreprise à même les retenues à la source d’impôt fédéral. En effet, les mesures fiscales administratives annoncées en vue de reporter les dates limites de déclaration de revenus des entreprises et du paiement de l’impôt sur le revenu excluent les obligations visant le paiement de retenues à la source.
Ces subventions salariales doivent être incluses dans le revenu imposable de l’employeur.
L’aide reçue au titre des subventions salariales réduit le montant des charges de rémunération admissibles à d’autres crédits d’impôts fédéraux (comme le crédit R&D par exemple) calculés sur la même rémunération.
Pour rester informé des annonces économiques gouvernementales, la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques met régulièrement à jour son document intitulé Suivi des mesures économiques gouvernementales découlant de la crise de la COVID-19 répertoriant les diverses mesures gouvernementales mises en place en lien avec la crise de la COVID-19, qu’elles soient budgétaires, fiscales ou financières.
[1] Canada, Subvention salariale temporaire pour les employeurs. (Consulté le 27-03-2020).
[2] Canada, Le gouvernement annonce les détails de la Subvention salariale d’urgence du Canada pour aider les entreprises à maintenir en poste les Canadiens. (Consulté le 1-04-2020).
[3] Canada, Subvention salariale d’urgence du Canada en ligne. (Consulté le 8-04-2020).
[4] Canada, Maladie à coronavirus (COVID-19) – Emploi et Développement social Canada. (Consulté le 27-03-2020).