Un quotidien du Québec titrait récemment que l’indexation des frais de garde des enfants (annoncée par le Parti Libéral du Québec) sonnerait « la fin des garderies à sept dollars ». Cela est évidemment incorrect d’un point de vue économique. Si on avait souhaité maintenir les garderies au tarif de 7 dollars établi en 2004, il aurait fallu les indexer à environ 8,20 dollars aujourd’hui. La seule manière de garder constants ces tarifs en termes réels est de les indexer. Autrement, et comme c’est le cas depuis déjà quelques années, les frais de garde continueront de décroître relativement au coût des autres biens et services. Les garderies à sept dollars sont mortes et enterrées depuis déjà plusieurs années.
L’importance de l’indexation est généralement valide pour l’ensemble des tarifs des services fournis par l’État. Une trop longue période de non-indexation mène souvent à des problèmes de sous-financement sérieux. Corriger ces problèmes peut éventuellement susciter des crises sociales importantes, comme le récent conflit sur les droits de scolarité en a clairement fait la démonstration.
S’il existe un tarif dont la structure a besoin d’être plus largement révisée, c’est bien celle des services de garde des enfants au Québec. Il est bien connu que la tarification actuelle des services de garde est inéquitable. L’accès à des places à sept dollars relève souvent de la chance, et parfois de l’arbitraire. Les subventions directes aux garderies profitent à moins de la moitié des enfants de zéro à quatre ans. Les autres enfants ne profitent pas d’une aide aussi substantielle de la part de l’État, ou ne reçoivent aucun ou peu d’appui, surtout si les parents prennent eux-mêmes en charge la garde de leurs enfants, par choix ou par contrainte.
Le système profite aussi davantage aux familles plus riches qu’aux plus pauvres. Les familles qui ont elles-mêmes la charge leurs enfants sont moins susceptibles d’avoir des revenus familiaux élevés. Ce sont toutefois ces familles qui ont souvent le plus besoin du soutien de l’État.
L’importance de l’appui de l’État dont bénéficient les familles dépend aussi du type de services de garde dont elles peuvent profiter : la valeur des subventions versées par l’État varie substantiellement selon que les places soient en installation, en milieu familial, ou en garderie privée.
L’uniformité du tarif demandé aux parents nuit aussi à la souplesse du système en décourageant la diversité des arrangements de garde. Sa faiblesse génère une pression artificielle sur les coûts, et réduit l’incitation à l’innovation et à une gestion concurrentielle. Cela nuit aussi à la transparence des ressources qui sont investies par l’État dans les services de garde, et mène à une concurrence déloyale entre les places directement subventionnées et celles qui ne le sont pas.
Il serait heureusement simple d’améliorer le financement du système de garde des enfants. Au lieu d’une facture affichant un tarif qui ne reflète pas le vrai coût de la garde des enfants, la facture remise aux parents indiquerait le coût réel des frais de garde (présentement de l’ordre de 30 à 55 $ par jour). Une proportion de ces frais de garde leur serait toutefois instantanément ou rapidement remboursée, en élargissant le crédit d’impôt provincial (dont le taux varie présentement entre 26% et 75%) aux frais de garde totaux des garderies présentement à sept dollars par jour. Ce crédit d’impôt est remboursable, ce qui fait que la proportion applicable des frais de garde est remboursée même si le revenu imposable d’une famille est faible ou nul. Ainsi, au lieu d’un tarif fixe et non indexé, un tarif proportionnel au coût réel de la garde des enfants serait demandé. La proportion applicable dépendrait du revenu des familles, comme dans le cas du crédit d’impôt provincial pour frais de garde.
Ce mode de fonctionnement corrigerait au moins partiellement plusieurs des problèmes mentionnés ci-dessus. Il aurait le mérite d’indexer automatiquement les frais de garde à l’évolution du niveau général des prix dans l’économie. Il permettrait de demander une contribution aux frais de garde qui varierait selon le niveau de vie des familles et serait donc davantage redistributif que le système actuel. Il introduirait une plus grande transparence dans la gestion du système de garde et dans son financement. Il permettrait une meilleure concurrence entre les différents types de services et tiendrait davantage compte des besoins et des capacités des parents d’assurer la garde de leurs enfants.
Une telle réforme, conjuguée à des normes de qualité minimale et à un système transparent d’information et de gestion des garderies, assurerait un environnement sain pour le développement des enfants, en plus de faciliter un choix plus libre et plus équitable de services de garde et d’être financièrement soutenable pour les parents et pour la société.
Et ce changement bonifierait de près de 200 millions de dollars le revenu après impôt des familles québécoises sans que cela ne coûte un seul sous au gouvernement provincial. Eh oui, le système actuel de financement des services de garde au Québec fait perdre annuellement près de 200 millions de dollars aux familles québécoises parce qu’il ne permet pas aux parents de déduire de leur revenu imposable fédéral le vrai coût de la garde de leurs enfants. Les familles québécoises qui profitent du système de garde à sept dollars ne peuvent en effet déduire que ce sept dollars par jour de leur revenu imposable fédéral, et non le coût total et réel de la garde de leurs enfants, qui est de quatre à six fois supérieur.
Passer du système actuel à un système de remboursement proportionnel aux frais de gardes totaux permettrait d’augmenter le revenu après impôts des familles québécoises d’un montant moyen de 1000 $ par enfant présentement en garderies subventionnées – et cela, sans qu’il n’en coûte absolument rien au gouvernement du Québec. En ces temps budgétaires difficiles, il est difficile de trouver une manière aussi immédiate et efficace de bonifier le revenu des familles québécoises.