Communiqué de presse
Pour diffusion immédiate
Montréal, 25 mars 2021 – Le Comité des politiques publiques (CPP) de l’Association des économistes
québécois comprend très bien la décision du ministre des Finances de suspendre la Loi sur l’équilibre
budgétaire, comme ses membres l’avaient proposé. Le retour à l’équilibre budgétaire se fera donc sur sept
ans, mais le sentier ne sera pas de tout repos. Le cadre financier indique qu’il reste un écart à résorber qui
passera de 1,3 G$ en 2023-2024 à 6,5 G$ en 2027-2028.
La partie n’est donc pas gagnée pour les finances publiques du Québec. Il reste encore de nombreux défis
à traverser, car pour résorber de tels écarts, il faudra soit une croissance économique plus forte que prévu,
des hausses d’impôts ou de taxes, des dépenses plus restreintes ou encore des augmentations aux
transferts fédéraux.
Pour ce qui est de la croissance économique, la reprise pourrait être plus forte que prévu à court terme,
mais à moyen terme elle sera contrainte par la démographie. Le Budget indique que la croissance du PIB
réel tendra vers les 1,5 % vers 2024, ce qui est très légèrement inférieur aux prévisions du secteur privé.
Mais, il est clair que la croissance économique sera de plus en plus tributaire de l’augmentation de la
productivité car les pénuries de main-d’œuvre s’intensifieront. Le ministre en est pleinement conscient, car
il prévoit une création de seulement 16 800 emplois en 2025. D’où l’urgence de plus en plus grande de
mettre sur pied un plan intégré de développement de la main-d’œuvre en partenariat avec plusieurs
ministères, notamment le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, de l’Éducation et de
l’enseignement supérieur et de l’Immigration, Francisation et Intégration et d’autres organismes impliqués
dans ce domaine.
L’avenue des hausses d’impôts ou de taxes n’est pas idéale compte tenu du fardeau fiscal déjà élevé au
Québec. Il sera aussi difficile de restreindre davantage les dépenses sans que la population crie à
l’austérité. La croissance des dépenses de portefeuille présentée par le ministre semble déjà limitée compte
tenu des effets anticipés du vieillissement de la population sur les dépenses en santé et en services
sociaux. Par exemple, les dépenses de portefeuille dans le domaine de la santé et des services sociaux
(excluant les mesures de soutien et de relance) sont estimées 51,9 G$ en 2022-2023, alors que les efforts
nécessaires pour s’attaquer à la pandémie seront pratiquement disparus. Pourtant, lors du dernier budget
de mars 2020, ces mêmes dépenses étaient prévues à 51,8 G$. On peut questionner la suffisance des
sommes allouées pour les dépenses récurrentes résultant de la pandémie dans le secteur de la santé et
des services sociaux. Il faudra voir, mais les pressions seront fortes auprès du gouvernement pour
accélérer la croissance de ces dépenses. La situation est semblable pour le secteur de l’éducation et de
l’enseignement supérieur.
Personne ne sait comment se termineront les discussions sur l’augmentation des transferts en santé, mais
il est possible pour le gouvernement d’espérer une diminution de l’écart à résorber avec une augmentation
de ces transferts. Il reste aussi la possibilité que la mise en place d’un système pancanadien de garderie
permette au Québec d’obtenir des transferts compensatoires. Finalement, la ministre fédérale des
Finances, Chrystia Freeland, a annoncé aujourd’hui un transfert supplémentaire de 900 M$ pour aider le
Québec à assumer ses dépenses en santé. Un peu d’air frais en ces temps difficiles, même si ce transfert
n’est pas récurrent.
Le CPP se réjouit donc d’avoir maintenant un réel plan de retour à l’équilibre entre les mains. La période
de sept ans laisse amplement le temps de rectifier le tir au fur et à mesure que les incertitudes
s’estomperont. Il ne faut pas oublier non plus que le Québec n’est pas à l’abri d’une troisième vague et le
ministre a joué de prudence en se gardant une provision pour risques économiques et autres mesures de
soutien et de relance de l’ordre de 1,3 G$ par année jusqu’en 2022-2023.
Le ministre a décidé de garder intact le Fonds des générations. Toutefois, il ne réussira pas à atteindre les
cibles d’endettement fixées dans la Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations.
Par exemple, le ratio de la dette brute/PIB n’atteindra que 47 % au 31 mars 2026 alors que la loi exige un
ratio de 45 %. Pour l’instant, il n’est pas nécessaire de suspendre cette loi. Le ministre devra peut-être
considérer, comme l’a suggéré le CPP, de procéder à un allègement temporaire (partiel ou complet) des
versements annuels dédiés au Fonds des générations pour l’aider à atténuer son déficit ou son écart à
résorber.
Finalement, il semble que le gouvernement comprend l’urgence d’intensifier la réduction du déficit de
maintien d’actifs en matière d’infrastructures. Contrairement aux dernières années, l’estimé du déficit de
maintien des actifs montre une légère diminution d’environ 580 M$ au cours de l’exercice 2021-2022. Il
reste toutefois encore beaucoup de chemin à faire, car les sommes nécessaires pour résorber ce déficit
s’élèvent toujours à 27,7 G$.
Compte tenu des circonstances, le CPP est satisfait des informations budgétaires fournies par le ministre
des Finances aujourd’hui. Le plan budgétaire paraît réaliste et prudent. Il illustre clairement que les défis
pour les finances publiques du Québec restent importants et qu’ils s’intensifieront au cours des prochaines
années, notamment en raison du vieillissement de la population, une tendance démographique inexorable
dans les prochaines années.
CONTACTS :
Yves St-Maurice, président
Comité des politiques publiques
514-776-6546
Bernard Barrucco, directeur général
Association des économistes québécois
418-663-6613