COMMERCE EXTÉRIEUR DU QUÉBEC : RENFORCER LA STRATÉGIE

Les données sur les exportations et les importations entre les régions métropolitaines canadiennes et leurs contreparties américaines et mexicaines sont rares. Une étude préparée par la firme de consultants Wiser pour l’Economic Development Group du Brookings Institute, indique que les 33 régions métropolitaines canadiennes, dont Montréal, étaient responsables en 2010 de 58% de la valeur des biens et services échangés entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, et de 69% des biens échangés dans l’aérospatial, l’automobile, l’électronique, la machinerie, les produits pharmaceutiques et les instruments de précision.

Détroit et Toronto dans l’automobile, San Jose et Mexico dans l’électronique, Seattle et Montréal dans l’aérospatial, sont des régions et des domaines où les chaines de valeur métropolitaines de biens et services intermédiaires jouent un rôle important pour le développement économique de leurs pays respectifs[1].

Cette contribution prépondérante des régions métropolitaines au PIB et aux exportations nationales ne surprend pas vraiment étant donné que s’y concentrent la R et D, l’innovation, les travailleurs et les travailleuses hautement qualifiés et les infrastructures multimodales nécessaires aux exportations et importations, et que s’y développent les grappes industrielles de la nouvelle économie de l’intelligence artificielle, de l’information, de l’innovation et de la numérisation.

La région métropolitaine de Montréal

La région métropolitaine de Montréal était en déficit commercial en 2010 puisqu’elle aurait exporté pour 19,9 milliards et importé pour 25,6 milliards de $ US. Plus précisément, Montréal aurait eu des surplus dans le groupe des « autres équipements de transport » dont l’aéronautique, et des déficits dans les « autres industries importantes » dont les produits chimiques, les plastiques, la machinerie et les outils, l’électronique et les véhicules moteurs et pièces.

Les données montrent également que cinq groupes d’industries seraient responsables de 47% du commerce de Montréal avec les États-Unis. Les exportations montréalaises seraient surtout destinées à New York, Chicago, Dallas, Los Angeles, Houston, Seattle, Philadelphie, Washington, Boston et Atlanta. Ses importations proviendraient principalement de New York, Detroit, Chicago, Houston, Dallas, Los Angeles, San Jose, Boston, Philadelphie et Seattle.

Le suivi du développement économique de la région de Montréal porte à croire que la structure et l’importance de son commerce extérieur évoluent mais à un rythme lent, ce qui fait que l’image de la situation en 2010 est toujours pertinente quoiqu’elle devrait être mise à jour avec des données portant sur des activités nouvelles. Nul doute en effet qu’il y a eu depuis 2010 des changements dans les exportations et les importations totales et dans la valeur ajoutée québécoise incluse dans les flux de commerce.

Des données à compléter

Quoiqu’utiles et nécessaires, les données disponibles sur les exportations et importations et leur valeur ajoutée ne sont pas suffisantes car le commerce extérieur repose de plus en plus sur des expertises particulières dans l’exécution de certaines fonctions de production et de service intervenant le long de la chaine de production des biens et services. De plus, il faudrait avoir des données sur toutes les grandes régions mondiales et non seulement sur celles de l’Amérique du Nord. L’obtention de ce genre de données nécessite la contribution des entreprises exportatrices et importatrices à valeur ajoutée.

Des stratégies d’exportation à ajuster

Les gouvernements de Québec et d’Ottawa ajustent régulièrement leurs stratégies d’exportation, mais jusqu’à maintenant ils ne semblent pas accorder une importance suffisante à la participation active d’entreprises exportatrices et importatrices à valeur ajoutée élevée et disposant d’une expertise particulière dans certaines fonctions et tâches. Les organismes métropolitains municipaux de développement économique et les organismes spécialisés, dont Montréal International et les grappes Industrielles de Montréal, pourraient pallier l’absence de données institutionnelles en identifiant ces entreprises et en les accompagnant dans leurs initiatives au niveau métropolitain. Ainsi, les organismes métropolitains et les responsables de grappes industrielles pourraient être mandatés pour échanger avec leurs contreparties des régions métropolitaines identifiées afin d’identifier les entreprises importatrices et exportatrices à valeur ajoutée et celles expertes dans certaines tâches. Ils pourraient ensuite favoriser les échanges d’information sur la nature de ces activités et éventuellement accompagner les entreprises québécoises dans des missions auprès de celles identifiées dans les régions visées, et les recevoir ici s’il y avait un intérêt de leur part.

De telles actions complèteraient et valoriseraient les efforts, essentiels mais insuffisants, engagés au niveau national ou au niveau des industries. Il faut en effet aller au-delà des contacts et des analyses effectués à des niveaux élevés d’agrégation pour étudier les tâches, les produits et les services dans la nouvelle économie d’innovation et de chaines de valeur ajoutée qui continue de se développer.

Cet ajustement des stratégies et des façons de faire est d’autant plus nécessaire qu’il est probable que les politiques commerciales et industrielles du voisin américain soient modifiées dans un sens qui rendra plus difficile les exportations vers ce pays si l’administration Trump introduit des règles d’origine nord-américaines plus exigeantes, une « taxe » sur les importations et une « remise » pour les exportations américaines. Dans les deux derniers cas, il s’agirait en fait de l’application d’une espèce de taxation de la valeur ajoutée. Un autre motif de préoccupation tient au fait que le projet d’entente avec l’Union européenne pourrait ne pas se développer tel qu’anticipé.


 


[1]Pour une discussion plus élaborée du sujet, voir Pierre-Paul Proulx, Le nouveau contexte économique en Amérique du Nord: quelles initiatives pour Montréal dans quels domaines et avec quelles régions américaines, Libres Échanges, 15 décembre 2013.