COMPÉTITIVITÉ ET PRODUCTIVITÉ : CONCEPTS, DÉTERMINANTS ET POLITIQUES POUR LES PROMOUVOIR

La compétitivité et la productivité sont des concepts distincts bien connus, mais qu’il est indiqué d’examiner plus à fond pour éclairer leurs déterminants et en conséquence les politiques pour les promouvoir.

Pour le Forum Économique Mondial, la compétitivité est déterminée par les institutions, les politiques et les autres facteurs qui influent sur la productivité dont la santé, l’éducation, la formation, le contexte macroéconomique, le système politique et les infrastructures, critères qui servent à effectuer annuellement une mise en rang des pays selon leur « compétitivité ». Nul doute que le rang du pays parmi les 140 pays examinés permet d’identifier des forces et faiblesses pouvant aider dans le choix des programmes et politiques, mais convenons cette méthode laisse de côté certains déterminants plus spécifiques de la compétitivité.

La distinction entre les secteurs ouverts au commerce international (soit sous l’angle des exportations, des importations ou des deux) et les secteurs dont la clientèle est domestique facilite la clarification de ces deux concepts. (i, ii)

On ne peut mesurer la compétitivité par l’emploi, car les secteurs ouverts, d’habitude plus productifs que les secteurs avec marché domestique, peuvent ne pas être une source importante de création d’emploi. Viser la création d’emploi, donnée si importante pour nos politiciens, n’est qu’une des considérations qu’il faut retenir dans le choix de nos politiques.

Se concentrer sur le solde de la balance commerciale est aussi un indicateur important pour diverses fins, mais ce concept n’est pas suffisant pour comprendre la compétitivité d’une économie. Une monnaie sous-évaluée, des impôts relativement bas pour les firmes des secteurs ouverts (entre autres par l’évasion fiscale facilitée par l’ouverture au commerce international), mais aussi par des politiques nationales; des subventions aux exportations, des barrières tarifaires et non tarifaires (dont celles provenant des régimes réglementaires dont on discute dans les négociations avec l’Europe et l’Asie, d’où les initiatives du gouvernement fédéral dans le domaine de la réglementation des valeurs mobilières), voilà des raisons qui indiquent les limites du concept de balance commerciale pour mesurer la compétitivité d’une économie. (iii)

Il nous apparaît préférable d’utiliser la valeur ajoutée dans les exportations et importations pour déterminer quelles activités, quels secteurs il faut viser pour promouvoir nos exportations, ou bien importer et possiblement limiter nos importations. Les données conventionnelles sur les exportations et importations ne nous permettent pas de bien définir les secteurs et les activités indiqués pour promouvoir notre participation plus réussie dans des chaînes de valeur ajoutée, moyen essentiel pour améliorer notre productivité et en conséquence notre compétitivité. (iv) Impossible pour l’instant d’en arriver à de telles analyses aucune donnée sur la valeur ajoutée étant produite par l’Institut de la Statistique du Québec. Un nombre grandissant d’écrits sur le sujet nous permettraient cependant d’en arriver à des estimations intéressantes. (v) Cette mesure n’est cependant pas sans lacunes, car la taille des économies permet d’atteindre une valeur ajoutée plus élevée.

Il nous semblerait cependant indiqué d’effectuer des travaux sur les exportations et importations en termes de valeur ajoutée (entre autres avec les données récentes de L’OMC et de l’OCDE et de certaines données disponibles de l’ISQ) en tenant compte des termes d’échange, des barrières aux importations, des « subventions » publiques pour assurer que l’on ne soit pas trop obnubilés par le solde de la balance commerciale comme critères de compétitivité nationale.

Nul doute que nos études de compétitivité doivent tenir compte de la productivité de nos activités et de notre activité d’innovation, de R&D, d’éducation et de formation, de la disponibilité et de la qualité de nos infrastructures, du contexte macro-économique, de notre système de gouvernance, sujets que nous avons discutés dans un autre blogue. (vi)

Il nous semble cependant indiqué de concentrer nos attentions sur des analyses reposant sur la valeur ajoutée et de manifester un intérêt particulier pour les secteurs « ouverts » au commerce international soit comme exportateurs ou importateurs (car il faut bien importer pour exporter dans un monde de chaînes de valeur ajoutée).

Pierre-Paul Proulx, Professeur Honoraire U. de Montréal, Consultant et membre du Comité des Politiques de l’Association des Économistes du Québec

Le 22 septembre 2013

(i) Voir nos blogues du 13 janvier 2012, ’’ Les thèses de Michael Spence sur l’emploi et la mondialisation : des pistes pour le Canada ’’ et celui du 16 décembre 2011, ‘’ Chômage, disparités de revenus et mondialisation : un débat pour une discussion de l’importance de distinguer entre secteurs ‘’ ouverts ‘’ et domestiques’’.
(ii) Voir R. Atkinson, What Really is competitiveness, sur le site Internet The Globalist, le 20 septembre 2013 pour une discussion de certains des sujets abordés dans notre blogue.
(iii) Voir notre blogue Partenariat Trans-Pacifique, ‘Entente-Cadre avec l’Europe et Politiques domestiques, comment réagir’, du 23 novembre 2012 pour une discussion de ces sujets.
(iv) Voir nos blogues du 4 février 2013 ‘’Des données fort attendues sur le commerce extérieur’’, et du 30 avril 2012 ‘’ Le Commerce vertical et la Compétitivité’’ pour une discussion de ce sujet.
(v) Voir entre autres ‘’ Les chaînes de valeur mondiales, impacts et implications’’, ‘’Les recherches en politique commerciale 2011’’, ‘’ Affaires étrangères et Commerce international Canada pour de telles études’’. Le lecteur intéressé pourra aussi obtenir sur demande des notes que j’ai rédigées en vue d’une réunion interministérielle tenue en juillet 2013 à Montréal et Québec.
(vi) ‘’Pour le 21e siècle : des politiques économiques harmonisées, efficaces et équitables’’. Le 10 juin 2013