Le nouveau gouvernement du Québec a créé une Commission de révision permanente des programmes. En se référant au communiqué diffusé par le cabinet du président du Conseil du trésor, le mandat de cette commission se résume ainsi :
« Les travaux de la Commission devront permettre au gouvernement de statuer sur l’opportunité d’éliminer certains programmes, de réduire leur portée ou de les repositionner et d’être en mesure de les évaluer de façon continue. Certains programmes seront jugés pertinents, mais insuffisamment pourvus en ressources. D’autres, au contraire, seront revus en profondeur. Tous les programmes seront sujets à être évalués…
Rappelons que des gains de 3,2 G$ sont anticipés pour l’exercice 2015-2016 en lien notamment avec les travaux de la Commission et que ceux-ci devront s’arrimer avec le processus budgétaire. À la suite de cela, un mécanisme d’évaluation continue des programmes permettra de poursuivre l’optimisation des ressources gouvernementales, au-delà de leur repositionnement. »
Relativement à la mise sur pied de cette commission, trois sujets viennent à l’esprit.Premièrement, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. La création d’un groupe de travail sur la révision des programmes est une activité récurrente au Québec, comme c’est aussi le cas ailleurs. Ensuite, il est utile d’expliquer pourquoi les recommandations des rapports sont rarement suivies. Enfin, nous consacrerons un autre blogue à montrer comment l’austérité survient et la façon dont elle s’incarne généralement dans l’affectation des crédits budgétaires.
Rien de nouveau sous le soleil
L’âge permet souvent de se rendre compte que les mêmes phénomènes reviennent. C’est le cas de la Commission de révision permanente des programmes récemment mise sur pied. À ce sujet, il existe au Québec plusieurs précédents. En 1986, il y eut la publication du rapport du Groupe de travail sur la révision des fonctions et des organisations gouvernementales (Rapport Gobeil). En septembre 1997, c’était la publication du Rapport d’un groupe parlementaire sur l’examen des organismes gouvernementaux (Rapport Facal). Il faut ensuite mentionner les trois rapports du groupe de travail sur l’examen des organismes du gouvernement (Boudreau 2004-2005, Geoffrion 2005-2006 et Rolland 2007-2008). En 2009-2010, il y eut enfin la publication des trois fascicules du Comité consultatif sur l’économie et les finances publiques.
Si la révision des programmes gouvernementaux a provoqué beaucoup de groupes de travail et de rapports au Québec, il en est aussi de même dans les autres juridictions. Nous nous limiterons à mentionner deux importants rapports récents. En 2012, il y eut la publication de l’imposant rapport de la Commission de la réforme des services publics de l’Ontario (Rapport Drummond) et en 2010 au gouvernement fédéral américain, c’était autour de la National Commission on Fiscal Responsibility and Reform (Rapport Bowles-Simpson).
Pourquoi le peu d’impact de ces rapports ?
Les rapports sur la révision des programmes gouvernementaux sont donc forts nombreux. Quel est leur impact? C’est loin d’être démagogique d’affirmer qu’ils ont généralement peu d’impact. Ils atterrissent généralement sur les rayons des différentes bibliothèques pour y ramasser la poussière, si ce n’est pas le chemin de la corbeille ou de la déchiqueteuse.
Ce phénomène du peu d’impact de ces rapports mérite d’être expliqué : pourquoi en est-il ainsi ? La réponse se trouve dans la nature de ces publications qui conservent un caractère purement technocratique. Par exemple, les économistes insistent sur la rentabilité économique des programmes pour évaluer si les avantages économiques globaux en dépassent les coûts. Pourquoi en résulte-t-il alors des recommandations inappropriées ?
Se limitant à une approche technocratique, ces rapports oublient les importantes considérations politiques. Ce qui est pertinent n’est pas la rentabilité économique d’un programme, mais plutôt sa rentabilité politique. L’objectif bien normal des décideurs est d’accroître la probabilité de se faire réélire. C’est essentiellement le jeu politique.
Ceci peut être illustré par les premières mesures du nouveau gouvernement québécois : l’augmentation des sommes allouées aux emplois forestiers, la fin du moratoire sur les petites centrales hydrauliques et l’approbation de l’aide à la cimenterie à Port-Daniel. Pour un économiste, ces trois mesures suscitent rapidement des doutes sur leur rentabilité économique. Est-ce le cas pour la rentabilité politique d’un gouvernement qui vient d’être élu en bonne partie grâce à une percée dans les ‘régions ‘ ?
Il existe d’ailleurs une forte demande pour des politiques régionales; il ne faut pas oublier que le déclin d’un territoire entraîne un surplus immobilier qui diminue considérablement la valeur des résidences qui forme la majeure partie des actifs de leurs résidents.
Conclusion
Comme l’affirmait Thomas Sargent dans une brève synthèse sur l’enseignement de la science économique :
« En économie comme dans un jeu, les gens sont, en équilibre, satisfaits de leurs choix. C’est pourquoi il est difficile pour les autres personnes bien intentionnées de changer les choses pour le meilleur et pour le pire. »
La situation est semblable dans le domaine politique. La structure des programmes reflète les forces ou les intérêts en présence. Cette structure n’est pas immuable, mais toute modification présuppose un important changement de ces forces dans la société.
C’est un enseignement qu’oublient les différents groupes de travail sur la révision des programmes.