Un examen des risques à la hausse et à la baisse est devenu, avec le temps, partie intégrante de tout exercice sérieux d’évaluation des perspectives économiques. En période d’incertitude prononcée, l’analyse des risques peut même s’avérer plus intéressante que les résultats des projections en soi.
Le 19 novembre dernier, l’OCDE présentait comme suit sa mise à jour semestrielle de ses Perspectives économiques : « Une croissance peut-être plus vigoureuse, mais des risques plus nombreux ». Seulement quelques semaines plus tard, on peut avancer que les risques à la baisse de la croissance prévue de l’économie mondiale se sont atténués. Que s’est-il passé?
Le Budget du gouvernement fédéral américain a fait l’objet d’un compromis au Congrès en décembre dernier. Il reste à régler la hausse du plafond de la dette, mais il serait surprenant que ça barde à ce sujet, étant donné le compromis sur le Budget. Au cours de l’an dernier, la possibilité de la fin graduelle de l’assouplissement quantitatif de la Réserve fédérale faisait baisser les marchés boursiers les jours précédents les rencontres du Federal Open Market Committee (FOMC). Une fois cette décision prise en décembre dernier, les indices ont plutôt poursuivi leur tendance à la hausse, les investisseurs jugeant correcte cette décision tenant compte de l’évolution récente de l’économie américaine.
Le procès verbal de la réunion du FOMC des 17 et 18 décembre 2013, publié le 8 janvier 2014, décrit (en page 21) comme suit les incertitudes et les risques :
«More participants than in September judged the risks to real GDP growth and the unemployment rate to be broadly balanced. A range of factors was cited as contributing to this change in view, including an improved outlook for global financial and economic conditions, a moderation in geopolitical risks, an upgraded assessment of the prospects for consumption growth, and reduced odds of a fiscal impasse. »
En outre, la reprise dans la zone euro se consolide, bien que la croissance soit faible. L’éclatement éventuel de cette zone, sujet de préoccupation il y a quelques mois, fait moins couler d’encre. La fragilité des banques inquiète encore, mais on insiste moins là-dessus depuis quelque temps. Le Plan de sauvetage des pays en situation difficile s’est limité à l’Irlande, au Portugal, à la Grèce et à Chypre; et, l’Irlande vient de s’en retirer. Indicateur par excellence de la diminution des risques : le marché obligataire exige un rendement nettement moins élevé qu’auparavant sur les titres émis pour financer la dette des gouvernements des pays de la zone.
Dans sa Revue du système financier de décembre 2013, la Banque du Canada résumait ainsi sa perception des risques :
«Depuis la parution de la Revue du système financier de juin, on a observé dans le système financier international des évolutions favorables, qui reflètent en partie certaines indications encourageantes au sujet de l’économie à l’échelle mondiale. Parallèlement, d’importantes vulnérabilités subsistent. Le Conseil de direction estime que le risque global pesant sur la stabilité du système financier canadien a diminué, passant d’élevé à moyennement élevé au cours des six derniers mois.»
La Banque a cependant identifié une nouvelle source de risques : les « Vulnérabilités financières des économies émergentes » où le risque est modéré pour l’instant. L’endettement des Canadiens et le marché du logement demeurent d’autres sources d’inquiétudes pour la banque centrale.
Par ailleurs, l’optimisme quant à la vigueur de l’économie américaine pourrait influencer à la hausse les projections de croissance de l’économie mondiale. Par contre, les perspectives de croissance des principales économies émergentes sont moins bonnes qu’auparavant. S’ajoute à cela les inquiétudes de plus en plus exprimées quant aux conséquences de l’absence de pressions inflationnistes, certains allant même jusqu’à entrevoir un scénario de déflation, en particulier dans la zone euro. Au cours d’une entrevue donnée à CBC News le 7 janvier, le Gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, a mentionné qu’aucun des modèles utilisés par ses experts ne peut expliquer l’évolution des prix au Canada ces temps-ci. Il a aussi analysé la possibilité d’une baisse des prix et ses conséquences. Quoi qu’il en soit, la dépréciation du dollar canadien, et son effet à la hausse sur le prix des importations, viendra probablement atténuer la désinflation et diminuer les risques de déflation au Canada.
La revue The Economist, dans son édition du 4 janvier dernier (page 8), nous met aussi en garde contre le regain d’optimisme qui s’affiche presque à chaque début d’année depuis la crise financière. Qui plus est, des risques à la baisse moins prononcés ne signifient pas automatiquement croissance plus rapide, mais que les possibilités de dérapage sont moindres.
Enfin, le FMI publiera bientôt sa mise à jour de ses Perspectives de l’économie mondiale. La Banque du Canada rendra public le 22 janvier son Rapport sur la politique monétaire. Leur évaluation des risques entourant leurs projections de croissance devrait susciter l’intérêt des analystes.