Le gouvernement du Québec imposerait de nouvelles coupes budgétaires aux universités et, en guise de compensation partielle, il les autoriserait à augmenter les frais d’inscription chargés aux étudiants étrangers[1]. Le gouvernement donnerait ainsi suite à une recommandation de la Commission Robillard qui, elle-même, s’était appuyée sur une étude de CIRANO pour préconiser la déréglementation des frais d’inscription des étudiants internationaux[2]. Cette étude avançait que les universités québécoises pourraient vraisemblablement augmenter les frais d’inscription des étudiants étrangers sans subir une baisse sensible du nombre de ces derniers. Le gouvernement compterait aussi sur la baisse du taux de change pour limiter les effets de la hausse des frais sur les étudiants internationaux.
Le recteur de l’Université Laval a exprimé son désaccord. Selon lui, les étudiants internationaux qui fréquentent son université ont des moyens financiers limités de sorte que toute augmentation des frais d’inscription risque de détourner un bon nombre d’entre eux vers d’autres universités en dehors du Québec[3]. En somme, nous sommes en présence de deux estimations opposées de l’élasticité-prix des inscriptions d’étudiants étrangers dans les universités québécoises. Si jamais le recteur a raison, les pertes économiques engendrées par la mesure pourraient dépasser largement les économies annuelles de quelque 50 millions $ espérées par le gouvernement[4].
Le congrès 2014 de l’Association des économistes québécois avait pour thème «L’économie du Québec et la mondialisation». Le congrès a fait ressortir, entre autres idées forces, que le Québec devait miser davantage sur l’exportation de services et, parmi ceux-ci, accorder une attention prioritaire à l’attraction d’étudiants étrangers.
Outre l’activité économique et les rentrées fiscales qui en résultent, l’accueil d’étudiants étrangers constitue un moyen privilégié pour le développement de réseaux internationaux qui pourront profiter aux exportateurs québécois. En effet, les étudiants étrangers peuvent contribuer grandement à relier les entreprises québécoises à l’économie mondiale. Une fois leurs études complétées, s’ils décident de retourner dans leur pays d’origine ou d’aller ailleurs dans le monde, ils contribueront à constituer un réseau de contacts internationaux d’une grande valeur stratégique pour les compagnons québécois qu’ils auront côtoyés à l’université. Ils pourront aussi choisir de demeurer au Québec et y mettre leurs compétences à profit. Leur séjour à l’université leur aura permis au préalable de s’acclimater à la société québécoise.
L’accueil d’étudiants étrangers constitue de fait un secteur d’exportation offrant un fort potentiel de croissance et de rentabilité au sens large. Pour l’influent magazine The Economist, il ne fait pas de doute que c’est une politique intelligente et rentable que de chercher à attirer les étudiants internationaux[5]. L’Australie l’a bien compris. C’est son deuxième produit d’exportation, après les ressources naturelles et avant les services aux entreprises. Certains pays nordiques aussi puisqu’ils ont aboli les frais de scolarité pour les étudiants étrangers en guise de compensation à la barrière des langues.
Le Québec dispose d’avantages comparatifs en matière d’éducation internationale compte tenu de frais de scolarité plus faibles qu’aux États-Unis, d’un coût de la vie très abordable en comparaison d’un grand nombre d’autres grandes villes dans le monde et d’une politique fédérale accommodante pour l’octroi de visas. D’ailleurs, Montréal s’est classée première en 2013 au classement du Sea Turtle Index qui reflète l’opinion d’experts internationaux sur la qualité de l’accueil que les grandes villes réservent aux étudiants étrangers [6].
Présentement, les étudiants étrangers représentent 10 % de l’effectif des universités québécoises. Mais, ils sont moins présents au Québec, toute proportion gardée, que dans le reste du Canada. Le Québec n’accueillait en effet que 14 % des étudiants internationaux présents au Canada en 2014[7] et profitait donc relativement peu des 8 milliards $ que ces étudiants dépensent chaque année au Canada en frais de scolarité et en dépenses courantes. Ce manque à gagner risque de s’accroitre si le Québec ne se dote pas des politiques appropriées pour profiter de la croissance importante à l’horizon 2022 du nombre d’inscriptions d’étudiants étrangers qu’entend favoriser le gouvernement fédéral[8].
Le ministre québécois des Finances affirmait récemment qu’il misait beaucoup sur une reprise prochaine des exportations. Cela devrait l’amener à s’assurer que les exportations de services d’éducation universitaire ne diminuent pas mais que, au contraire, ils augmentent.
[1] Tommy Chouinard, Le gouvernement impose de nouvelles coupes – les étudiants étrangers feront les frais, La Presse, 2 février 2016. Les universités pourraient hausser jusqu’à 25 % la facture d’un étudiant étranger, soit une augmentation se situant entre 3 000 $ et 4 000 $ par année d’étude.
[2] , 2011.
[3] Patricia Cloutier, Le recteur Brière réticent à hausser les droits de scolarité des étudiants étrangers, Le Soleil, 2 février 2016.
[4] , novembre 2014, p. 105.
[5] The Economist, Train ‘em up. Kick’em out. Shrewd governments welcome foreign students. Stupid ondes block and expel them. Édition 30 janvier- 5 février 2016.
[6] Henri-Paul Rousseau, . 16 mai 2014
[7] Selon le Bureau canadien de l’éducation internationale, .
[8] Hugo de Grandpré, , La Presse+, 15 janvier 2014.