À l’intérieur d’un cours, il y a déjà une dizaine d’années, je conseillais aux étudiants masculins de ne point retarder pour se trouver une compagne : le progrès relatif des femmes dans le système d’éducation leur procurera des revenus plus élevés, ce qui leur facilitera la recherche d’un bien important, la jeunesse du partenaire. Une étudiante m’interrompit pour confirmer mon avancée : « Ma mère vit aujourd’hui avec un plus jeune », dit-elle.
Le présent texte offre quelques données sur l’amélioration de la position relative des femmes. Comme tout phénomène démographique, les effets se font progressivement mais ils demeurent bien réels. À la dernière étape de la vie, je suis bien placé pour en juger toute l’importance; au milieu des années soixante, l’expression suivante était courante, « Qui prend mari, prend pays ». Aujourd’hui, cette expression soulèverait la risée. D’ailleurs, le mariage est devenu une institution minoritaire : seulement 28 pour cent des hommes et 31 pour cent des femmes se marieraient avant cinquante ans si les taux de nuptialité des dernières années se poursuivaient.
Les indicateurs du progrès relatif des femmes sont nombreux. Il est utile d’en donner des exemples.
La féminisation de la médecine
La médecine est un secteur où la féminisation des effectifs fut rapide. Comme l’indique le tableau 1, en 1979 un médecin sur neuf au Québec était féminin contre deux sur cinq en 2009. De plus, près des deux tiers des médecins âgés de moins de trente-cinq ans sont des femmes. Toutefois, la répartition selon le sexe varie entre les spécialités : en 2009, 53 pour cent des 680 pédiatres étaient des femmes contre 10 pour cent des 79 chirurgiens cardiaques et thoraciques et 18 pour cent des 72 neurochirurgiens.
Tableau 1
Pourcentage des médecins actifs québécois de sexe féminin | |||
Pour différentes années | Par groupe d’âge en 2009 | ||
1979 | 11,4 | ||
1989 | 22,1 | 20 à 34 ans | 64,6 |
1999 | 32,0 | 35 à 54 ans | 50,0 |
2009 | 40,8 | 55 à 90 ans | 19,7 |
Source : Institut canadien d’information sur la santé, Nombre, répartition et migration des médecins canadiens, 2009, Ottawa, déc. 2010, p. 26-27. |
Le succès relatif des femmes en éducation
La publication Indicateurs de l’éducation – Édition 2010 du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport fournit de nombreuses données sur le progrès des réalisations féminines. C’est le cas dans le secteur de l’éducation depuis de très nombreuses années. En voici trois extraits,
1. sur l’obtention des diplômes universitaires :
« Quant à l’obtention d’un baccalauréat, la situation relative des sexes s’est modifiée profondément depuis 1976, alors que le taux d’obtention d’un baccalauréat était de 13.1% chez les femmes et de 16.7% chez les hommes. C’est en 1983 que les taux des deux groupes se sont rejoints. Depuis ce temps, la progression s’est poursuivie à l’avantage des femmes et en 2008, les taux atteignaient 40,3% chez les femmes et 25.3% chez les hommes. Les gains chez les femmes, depuis 1976 sont donc de 27.2 points, contre 8.6 chez les hommes. » (p.106)
2. sur l’accès aux études collégiales :
« En 2008-2009, la proportion de jeunes Québécois et Québécoises qui atteignait l’enseignement ordinaire au collégial se situait à 64.4%. L’accès à l’enseignement collégial ordinaire a donc connu une hausse de 25.1 points depuis 1975-1976… Depuis le milieu des années 70, l’écart n’a cessé de croître entre les femmes et les hommes, pour atteindre 19.2 points en faveur des femmes en 2008-2009 alors qu’il était inférieur à 1 point en 1975-1976. » (p.62)
3. sur le décrochage scolaire au secondaire :
« Le taux de décrochage scolaire se définit donc comme étant la proportion de la population qui ne fréquente pas l’école et qui n’a pas obtenu de diplôme du secondaire… En 1979, les écarts entre les sexes étaient relativement faibles; ils étaient passablement plus importants en 2008. Par exemple, concernant les taux à 19 ans, le décrochage chez les hommes en 2008 correspondait presque à la moitié de ce qu’il était en 1979 (23,2% par rapport à 43,8%); chez les femmes, le taux de 2008 correspondait presque au tiers de ce qu’il était en 1979 (13,1% par rapport à 37,2%). La situation des femmes s’est donc améliorée dans une plus grande mesure que celle des hommes. » (p.60)
La société s’est tournée vers le savoir. Grâce à la machinerie et l’équipement, la force humaine brute est de moins en moins importante. La production des biens exige peu de main d’œuvre sur le plancher. Dans le passé, les gens étaient payés pour brûler des calories; aujourd’hui, ils doivent encourir des frais pour le faire. Dans toutes les activités, le capital humain prend de plus en plus de place et la performance relative des femmes en éducation les favorise.
Le taux de chômage selon le sexe
La détérioration de la situation relative des hommes se reflète aussi dans les taux de chômage. La situation se résume ainsi : avant 1982, le taux de chômage des femmes dépassait appréciablement celui des hommes pour être assez comparable entre 1982 et 1991. Depuis cette date, le taux de chômage des hommes est plus élevé que celui des femmes et l’écart a été croissant au cours de la dernière décennie. Entre 2008 et 2010, l’écart moyen est de 2,33 unités de pourcentage par rapport à un taux moyen de chômage pour les femmes de 6,7 pour cent.
Conclusion
Les données ne mentent pas : l’avenir favorise le sexe féminin même si les femmes continuent de consacrer plus de temps aux enfants. Les effets se produisent sur une longue période à mesure que les générations vieillissent ou disparaissent. Au Canada, en 1976, environ douze pour cent des femmes dans les familles comptant deux soutiens gagnaient plus que leur conjoint. En 2008, cette proportion avait plus que doublé, atteignant 29 pour cent. Quelle sera-t-elle dans vingt ou trente ans?
Cette évolution, défavorable aux hommes, n’empêche pas l’administration publique de conserver le Conseil du statut de la femme. Voilà un autre exemple de la difficulté des gouvernements à s’adapter à l’évolution du monde réel.