LE CANADA DOIT S’INTÉRESSER AU COMMERCE NUMÉRIQUE DE SERVICES AVEC LES ÉTATS-UNIS

Les services augmentent en importance au sein des PIB nationaux dans le contexte de la nouvelle économie. Il est de plus en plus nécessaire d’échanger divers services entre succursales et maisons mères de firmes multinationales ainsi qu’entre fournisseurs et acheteurs dans le cadre de chaines de valeur ajoutée de plus en plus développées et complexes. Or, selon l’OCDE, les pays imposent de plus en plus d’entraves au commerce des services, notamment en ce qui a trait aux flux transfrontaliers de données et aux services reposant sur le déplacement temporaire de travailleurs. Il s’agit d’un sujet important de la renégociation en cours des termes de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).

Une part importante des exportations de services se fait par voie électronique grâce notamment aux facilités de transaction qu’offrent l’internet[1] ou d’autres réseaux numériques. C’est ainsi, par exemple, que les services d’assurance, les services financiers et les services de génie peuvent dans une large mesure être offerts à distance, sans présence physique auprès des clients. Or, les sources officielles ne distinguent pas les modes de prestation des services et ne permettent donc pas de préciser quelle est l’importance relative des services ayant été exportés par un réseau numérique ou par des procédés plus conventionnels, tel le déplacement transfrontalier des prestataires.

Des données sur le commerce de services par voie numérique entre le Canada et les États-Unis

Une étude récente du U.S. Department of Commerce (USDOC) présente une première estimation du commerce numérique des services des États-Unis avec le Canada et le Mexique. L’étude permet de cerner assez bien ce commerce grâce à des données et à des estimations portant sur:

a)     Les services des technologies de l’information et des communications (TIC);

b)    les services pouvant être offerts à distance grâce à l’internet ou à d’autres réseaux numérique.

L’étude du USDOC présume qu’une part importante, mais impossible à préciser, des exportations de ces services se fait par le mode numérique. Pour cette raison, elle les qualifie de PICTE (potentially information and communications technology enabled). Sur 27 catégories de services répertoriés par l’étude, 3 sont reliées directement aux TIC et 13 sont réputées pouvoir transiter par les réseaux numériques. 

En 2016, les services PICTE représentaient 54 % de l’ensemble des exportations américaines de services, 48 % des importations totales de services et 64 % du surplus américain dans le domaine des services. En ce qui concerne plus particulièrement les partenaires de l’ALÉNA, les PICTE représentaient 58 % du surplus américain du commerce des services avec le Canada et 53 % avec le Mexique.

Les exportations de services PICTE des États-Unis vers le Canada ont augmenté au taux annuel moyen de 4,0 % entre 2006 et 2016. Elles atteignaient 28 milliards $ U.S. en 2016 soit 52 % des exportations américaines de services au Canada. En contrepartie, les États-Unis importaient 13,9 milliards $ U.S. de PICTE du Canada en 2016 soit 46 % de toutes leurs importations de services provenant du Canada.

Les États-Unis affichaient en 2016 un surplus commercial avec le Canada dans 23 des 27 catégories répertoriées par l’étude. Le tableau suivant présente les catégories pour lesquelles les surplus américains sont les plus élevés ainsi que celles où le Canada est en surplus.

Commerce de services des États-Unis avec le Canada en 2016

(milliard $ É-U.)

 

Mode

Export.

Import.

Solde

Voyages

C

15,9

7,9

8,1

Services financiers

P

6,4

2,0

4,4

Logiciels

TIC

2,2

0,2

2,0

Services d’assurance

P

1,9

0,5

1,4

Produits reliés à l’audio-visuel

P

1,9

0,5

1,4

Services de recherche et de développement

P

0,4

2,0

-1,6

Services informatiques

TIC

2,1

3,2

-1,2

Autres services techniques et d’affaires inclus dans les services PICTE

P

0,2

0,9

-0,6

Autres services techniques et d’affaires non inclus dans les services PICTE

C

0,4

0,9

-0,5

C : mode conventionnel de prestation

TIC : services reliés directement aux TIC

P : présentant un potentiel de prestation numérique à distance

 

Conclusion 

Dans un récent billet, nous reconnaissions l’intérêt qu’il y aurait à renouveler l’ALÉNA pour l’adapter aux nouvelles réalités du commerce électronique et à l’importance accrue des services dans l’économie et le commerce international.

Bien qu’elles reposent sur des estimations, les données produites par le USDOC suggèrent que les échanges numériques entre les États-Unis et le Canada constituent une réalité importante et en croissance, ce qui milite en faveur d’une attention accrue à ce secteur de l’économie. Bien qu’en vertu de la loi des avantages comparatifs il ne soit pas nécessaire qu’un pays affiche des surplus dans tous les domaines faisant l’objet d’échanges, l’avantage global que semble avoir les États-Unis face au Canada dans les échanges de services et notamment de services offerts par voie numérique doit interpeller les autorités publiques et les milieux économiques canadiens. Il faut en effet se demander si des ajustements importants aux politiques industrielles et commerciales ne doivent pas être envisagés. Dans cette perspective, il apparait important que les institutions publiques et privées mènent des enquêtes et effectuent des analyses pour préciser et approfondir les connaissances touchant les incidences des échanges numériques sur la vitalité et les perspectives d’avenir de l’économie canadienne.

 


 


[1] Susan A. Aaronson, A comprehensive Approach to Digital Trade Provisions in NAFTA 2.0, CIGI PAPERS NO 154, november 2017.