Le Fonds des générations a été créé en 2006 par la Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations dans le but de réduire l’endettement du gouvernement. Pour se conformer aux cibles fixées dans la Loi, les ratios de la dette brute par rapport au PIB et de la dette représentant les déficits cumulés par rapport au PIB doivent atteindre 45 % et 17 % respectivement au 31 mars 2026.
À mi-chemin de la date fixée pour l’atteinte des cibles de réduction de la dette, il convient de se demander si les objectifs du Fonds des générations seront atteints. Même si l’avenir comporte toujours une certaine dose d’incertitudes, la réponse est que le Fonds des générations semble jusqu’à maintenant répondre aux objectifs qui lui avaient été fixés lors de sa création. C’est en tout cas ce qui ressort du récent cahier de recherche publié par la Chaire en fiscalité et en finances publiques, intitulé : Le Fonds des générations : où en sommes-nous ?
Cette conclusion est le résultat d’une analyse d’une dizaine de scénarios regroupés en fonction de quatre grandes questions :
- Aurait-il été possible d’atteindre les mêmes objectifs de réduction de la dette sans la création du Fonds?
- Serait-il préférable de faire des décaissements au Fonds pour rembourser la dette?
- Serait-il possible de réduire les versements au Fonds?
- Comment réagirait nos résultats advenant une crise financière/récession?
Pour bien comprendre le fonctionnement du Fonds et fournir un solide point de comparaison, l’étude établit d’abord un scénario de référence qui étend les projections du Ministère des Finances jusqu’au 31 mars 2026. Puis, elle montre ce qu’aurait été la situation de l’endettement du gouvernement si le Fonds n’avait pas été créé. On peut alors constater que, sous certaines conditions très strictes, le gouvernement aurait peut-être pu réussir à respecter les cibles d’endettement de la Loi, mais qu’il aurait quand même fallu que tous les revenus dédiés au Fonds soient versés annuellement à la réduction de la dette, incluant les économies réalisées sur le service de la dette. L’enjeu véritable est que, sans une loi, rien n’aurait assuré le respect de ces conditions.
Une autre question a été de se demander comment évoluerait le Fonds si certains décaissements étaient faits pour rembourser une portion de la dette. L’avenir étant incertain, l’objectif était de sécuriser les sommes déjà accumulées pour éviter les risques, d’une part politiques, par une utilisation à d’autres fins que le remboursement dédié de la dette, et d’autre part économiques, comme une crise financière/récession. Un remboursement ponctuel de la dette aurait permis de respecter les cibles de la Loi, mais advenant une crise financière/récession, la meilleure option demeure toujours de poursuivre les opérations sans aucun décaissement avant 2025-2026. Précisons que la crise financière/récession prise en compte dans nos scénarios diminue la valeur marchande du Fonds de 5 % et annule tous les revenus de placement au cours de l’exercice 2021-2022, et que le PIB nominal a une croissance nulle au cours de l’exercice subséquent, soit 2022-2023. Dans tous les scénarios étudiés, il ressort qu’une crise financière/récession rendrait plus difficile l’atteinte des objectifs de réduction de la dette et que des actions devraient être posées pour s’assurer de la pleine atteinte des cibles fixées dans la Loi.
Finalement, la dernière série de scénarios cherchait à illustrer les effets possibles d’une diminution des versements au Fonds en simulant une utilisation partielle des sommes du Fonds pour financer, par exemple, une réduction de l’impôt sur les particuliers. Malgré les effets positifs sur la croissance économique d’une réduction d’impôt, ces scénarios éloignent encore plus le gouvernement du Québec de ses objectifs de réduction de la dette, en plus de nécessiter un changement à la loi, ce qui en font des options non optimales.
Le tableau 1 ci-dessous résume les résultats obtenus pour les ratios d’endettement pour l’ensemble de nos scénarios et permet de tirer quelques enseignements en vue d’apporter un éclairage sous l’angle de l’élaboration des options de politique.
Tableau 1 : Synthèses des résultats des simulations sur les ratios d’endettement
Avec le recul, il paraît évident que le Fonds a été un outil utile pour réduire l’endettement du gouvernement. Si les projections de l’évolution du Fonds s’avèrent, le ratio de la dette brute par rapport au PIB atteindra 41,8 % au 31 mars 2026 et le ratio de la dette représentant les déficits cumulés par rapport au PIB sera de 15,8 %. Les résultats projetés étant meilleurs que ce qui est exigé par la Loi, le gouvernement disposerait même d’une certaine marge de manœuvre. L’effet de levier espéré est le principal responsable de ce résultat. En effet, aucun des scénarios sans la création du Fonds n’aurait permis l’atteinte des objectifs. C’est donc parce qu’il aura été possible d’obtenir sur les sommes versées au Fonds un rendement supérieur au coût des nouveaux emprunts faits par le gouvernement que l’on a pu obtenir ces résultats.
Selon le tableau 1, en l’absence de la création du Fonds, il n’y a que le scénario 4 – un scénario où le gouvernement aurait consacré les mêmes sommes dédiées au Fonds au remboursement de la dette, y compris les économies d’intérêt réalisées sur la dette – qui aurait permis de s’approcher des objectifs de la Loi, mais le ratio de la dette représentant les déficits cumulés par rapport au PIB aurait été de 17,6 % au 31 mars 2026, soit un niveau supérieur à celui exigé par la Loi. L’objectif des scénarios 2 à 4 n’était pas de réécrire l’histoire, mais, dans un but essentiellement pédagogique, de montrer l’effet positif sur l’endettement de la mise en place du Fonds tel qu’il a été conçu.
Dans la Loi instituant le Fonds des générations, il n’existe pas d’indications quant au moment où des sommes devront être décaissées pour rembourser des portions de la dette. Les scénarios 5 à 8 servent à montrer les effets sur l’endettement de deux options de décaissement et de simuler si les résultats varient significativement en cas de crise financière/récession.
Conclusions
À la lumière des résultats obtenus, la préférence rationnelle conduit le gouvernement à poursuivre le fonctionnement actuel du Fonds en continuant de laisser les sommes s’accumuler de la même façon qu’au cours des dernières années. L’effet de levier sur lequel le gouvernement comptait pour atteindre ses cibles produit les résultats escomptés. En ajoutant à l’analyse d’autres éléments, comme les risques politiques et le respect de l’esprit de la Loi, dans ce cas, la «deuxième meilleure solution» pourrait être de poursuivre les versements annuels prévus au Fonds tout en utilisant, en tout ou en partie, les sommes accumulées dans le Fonds pour procéder à un remboursement de la dette (scénario 6). Cette option permettrait aussi de générer une économie annuelle sur le service de la dette de 500 M $, qui pourrait être utilisée pour bonifier les services publics, diminuer les impôts ou encore rembourser plus rapidement la dette.
Le rapport complet de l’étude est disponible à l’adresse suivante :