En décembre dernier, le Gouverneur de la Banque du Canada, monsieur Stephen Poloz, a indiqué que l’un des risques au système financier canadien se trouve dans la potentielle surévaluation du marché du logement. Une surévaluation que le Gouverneur a chiffrée dans une fourchette de 10 à 30%. Cet article argumente que ce pronostic est pessimiste et que la probabilité que le prix moyen des logements au Canada recule de 30% est très mince, voire inexistante. De fait, même une correction de 10% semble peu probable.
L’un des arguments avancé pour justifier ce potentiel effondrement du marché se veut la lourdeur de l’endettement des ménages au Canada. En pourcentage du revenu disponible des ménages, l’endettement atteint maintenant près de 170%. Deux choses importantes à noter : 1) l’endettement dont il est question ici inclus le solde de l’hypothèque; et 2) le revenu utilisé dans le calcul est le revenu disponible, donc après impôt, des ménages. Considérons l’exemple chiffré suivant : un couple touche un revenu de 100 000 dollars par année après impôt; le niveau de dette totale du couple (incluant le solde de l’hypothèque) est de 170 000 dollars; doit-on conclure que cette famille est financièrement en péril? La réponse est non. Bien sûr, ce ratio de 170 % est une moyenne et donc, il y a des ménages qui affichent un ratio d’endettement plus élevé. Mais en moyenne, la santé financière des ménages au Canada est moins à risque que plusieurs le prétendent.
Si nous étions dans une situation semblable à celle du début des années 1980 ou du début des années 1990, c’est-à-dire une période marquée par une accélération de l’inflation, il y aurait lieu de s’inquiéter. En effet, si c’était le cas, il serait tout à fait possible de croire que les taux d’intérêt seraient bientôt majorés de manière significative, comme ce fût le cas au cours de ces deux périodes, ce qui serait une très mauvaise nouvelle pour les ménages canadiens. Mais ce n’est pas du tout le cas. L’inflation est dormante au Canada et ne représente pas un risque à court terme.
En outre, le prix du baril de pétrole a chuté de plus de 50% au cours de l’année 2014, tombant sous la barre des 50 dollars américains, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour l’économie canadienne à court terme. En effet, les provinces qui ont été à l’origine d’une large part de l’expansion économique de la dernière décennie au Canada sont les provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan et les économies de ces provinces subissent présentement des impacts négatifs importants suite à cette baisse du prix du pétrole. Ce développement viendra sans doute freiner les ardeurs du Gouverneur de la Banque du Canada en ce qui a trait à une hausse à court terme des taux d’intérêt.
À moyen terme, l’économie canadienne bénéficiera du repli du prix du pétrole, si celui-ci reste bas assez longtemps, puisque ce recul est accompagné d’une dépréciation du dollar canadien. Ceci sera certes un baume pour les industries exportatrices du Canada dont la compétitivité augmente automatiquement lorsque le dollar se déprécie. Combinée à une reprise qui semble de plus en plus assurée du côté de l’économie américaine, la dépréciation du dollar amènera des jours meilleurs pour les exportateurs canadiens. De plus, le consommateur canadien aura soudainement un portefeuille mieux garni grâce à la réduction des cours pétroliers. Il faut donc s’attendre à une progression des dépenses de consommation, encore une fois si le prix du pétrole reste plus bas pour une période assez longue. Cependant, la dépréciation du dollar aura un impact à la hausse sur l’inflation au pays puisque cette dépréciation fait augmenter le prix des biens et services importés.
Au final donc, l’économie canadienne devrait afficher de meilleurs résultats d’ici un an et l’inflation devrait s’accélérer dans une certaine mesure. C’est à ce moment-là que les taux d’intérêt commenceront à augmenter. Doit-on s’inquiéter alors à plus long terme d’une correction majeure sur le marché immobilier? Encore une fois, la réponse est non. En effet, même si les taux d’intérêt commençaient à augmenter en seconde moitié d’année 2015, il faut garder à l’esprit que plusieurs ménages ont profité des très bas taux d’intérêt hypothécaires pour fixer leur hypothèque sur une période plus longue (souvent jusqu’à 5 ans). Ainsi, le paiement hypothécaire des ménages canadiens contient actuellement une très large proportion de remboursement de capital. Au même moment, le revenu disponible des ménages continue de progresser au Canada.
Il en résulte qu’au moment de renouveler leur emprunt hypothécaire, les ménages canadiens auront vu leur dette diminuer sensiblement et leur revenu disponible augmenter. Les ménages seront donc tout à fait en mesure d’absorber la hausse des taux d’intérêt qui, soit dit en passant, ne sera pas faramineuse même à plus long terme. Dans le pire des cas, les ménages canadiens, qui ont par moment profité de taux d’intérêt hypothécaire de 2,99% sur cinq ans, verront le taux sur cinq ans passer à 5,5% tout au plus de l’aveu même de la plupart des prévisionnistes. Cette hausse de 250 points de base ne sera pas suffisante pour projeter les ménages canadiens dans le gouffre financier, ce qui vient, encore une fois, à l’encontre des menaces au système financier perçues par monsieur le Gouverneur et ce, même à plus long terme.