LE NIVEAU DE VIE COMPARÉ DU QUÉBEC ET DE L’ONTARIO : FAUT-IL TENIR COMPTE DES PRODUITS SUBVENTIONNÉS?

Dans mon premier billet (billet du 10 juillet 2014) sur le sujet en titre, j’ai rapporté que, selon Statistique Canada, les prix à la consommation étaient 13 % plus bas à Montréal qu’à Toronto en 2012. Un chargé de cours de HEC Montréal, M. Vincent Geloso, vient de contester la validité de ce résultat. Dans un document de recherche récemment publié par le Centre sur la productivité et la prospérité de l’institution, cet auteur rejette l’idée que les prix à la consommation soient plus bas au Québec qu’en Ontario. Il affirme non seulement que le coût de la vie au Québec n’est pas inférieur à celui de l’Ontario, mais qu’« au contraire, il est plus élevé. »

Un premier argument qu’il avance est que les écarts de prix entre Montréal et Toronto pour le logement publiés par Statistique Canada reflètent essentiellement la qualité inférieure du logement à Montréal. Le précédent billet (billet du 14 juillet 2014) a rejeté cet argument en rappelant que les écarts de prix entre deux villes estimés par l’organisme portent sur des biens ou des services similaires en taille et en qualité.

M. Geloso fait valoir un deuxième argument pour contester l’idée que le coût de la vie est plus bas au Québec. L’un d’eux est que « les indices du coût de la vie sont faussés par les différences de politiques publiques entre provinces canadiennes. »

Au Québec, l’électricité, la garde d’enfants et la scolarité universitaire sont subventionnées par le gouvernement provincial. Pour ces produits, les dépenses de consommation en dollars qui sont enregistrées dans les comptes économiques de Statistique Canada sont les montants subventionnés qui sont payés par les ménages. Les prix à la consommation qui sont rapportés par l’organisme, eux, sont les tarifs effectivement perçus à l’achat.

Selon M. Geloso, il est incorrect d’affirmer que ces bas prix démontrent que le coût de la vie est plus faible au Québec qu’en Ontario, où les tarifs sont loin d’être aussi fortement subventionnés. Il fait observer que les Québécois doivent payer des impôts pour financer les subventions gouvernementales qui permettent d’abaisser les prix de ces produits. Les subventions ont beau alléger le coût de la vie, les impôts ensuite prélevés pour les financer viennent annuler cet allégement.

Dans le cas des garderies, par exemple, pour chaque parent qui bénéficie du tarif quotidien de 7 dollars, il y a d’autres Québécois qui paient avec leurs impôts la subvention de 45 dollars qui est requise pour compléter le financement, le coût total d’une journée de garde étant présentement de 52 dollars. En ne tenant pas compte de ces impôts, selon M. Geloso, on se trouve à sous-estimer le vrai coût de la vie au Québec relativement à l’Ontario.

Il a tout à fait raison. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue la question à laquelle nous cherchons à répondre ici : par quel indice de prix diviser le montant en dollars qui est dépensé pour acheter un produit, afin d’obtenir le volume réel de ce produit qui est consommé ?

La réponse ne souffre d’aucune équivoque : il faut diviser la dépense subventionnée par le prix subventionné. Si je dépense annuellement 1 750 dollars pour faire garder ma fille par un CPE, je dois diviser ce montant subventionné par le prix subventionné de 7 dollars par jour afin d’obtenir le volume réel des services obtenus, soit 1 750 ÷ 7 = 250 jours de garde d’enfant. Dans le cas du parent ontarien qui débourse 10 000 dollars dans l’année au tarif quotidien de 40 dollars, le volume réel de services est le même (250 jours de garde), mais, cette fois-ci, il s’obtient en divisant le montant non subventionné par le prix non subventionné, soit 10 000 ÷ 40 = 250 jours.

Dans les deux exemples, il faut diviser la dépense enregistrée dans les comptes économiques de Statistique Canada par le prix effectivement payé à l’achat du service et inscrit par l’agence statistique. L’opération ne constitue aucunement une affirmation que la subvention à la garde rend le coût de la vie plus bas pour les Québécois. Elle reconnaît simplement que le dénominateur et le numérateur utilisés pour calculer le volume réel de services consommé, c’est-à-dire le nombre de jours de garde dans l’année, doivent être cohérents l’un par rapport à l’autre.

Ainsi, bien que le tarif réduit payé par les parents québécois pour la garde de leurs enfants constitue une véritable réduction de leur coût de la vie, ce n’est pas le cas pour l’ensemble de la société québécoise, qui doit financer cet avantage par ses impôts. M. Geloso souligne avec raison cet aspect des choses. Toutefois, quand il s’agit de calculer l’écart de consommation réelle entre les Québécois et les Ontariens, c’est dans les deux cas par le prix payé à l’achat du service qu’il faut dégonfler la consommation en dollars courants, prix subventionné au Québec et prix non subventionné en Ontario. L’écart interprovincial de prix à l’achat des services de garde doit donc être entièrement pris en compte quand on veut passer de l’écart dans la consommation en dollars à l’écart dans le volume réel consommé.

À suivre dans un prochain billet…

(Ce billet est le 3e d’une série portant la mesure du niveau de vie au Québec et en Ontario. Il fait suite à à un billet du 10 juillet intitulé Comment se comparent le Québec et l’Ontario en niveau de vie ? et un autre du 14 juillet intitulé Le niveau de vie comparé du Québec et de l’Ontario : la qualité du logement importe-t-elle ?)

Une version antérieure de ce billet a été publiée dans L’actualité.