LE RALENTISSEMENT DE L’ÉCONOMIE JAPONAISE: LE RETOURNEMENT DÉMOGRAPHIQUE

Dans un , nous avons vu que la croissance du Japon a été fulgurante dans les années 1950 et 1960 puis qu’elle a ralenti dans les années 1970. De 1991 à 2014, le PIB du Japon a crû en moyenne de 0,8% par année seulement. C’est trois fois moins vite que le PIB des États-Unis, qui a progressé au taux annuel de 2,6 % au cours de cette période. Est-ce que cela veut dire qu’après avoir rattrapé le leader américain autour de 1990, le Japon aurait commencé à emprunter le chemin inverse et à perdre le terrain gagné sur les États-Unis dans les décennies antérieures ?

Pas nécessairement. La croissance totale du PIB est un hybride qui reflète non seulement la performance économique proprement dite, mais aussi l’évolution de la démographie. Car l’une des sources d’augmentation du PIB d’un pays est la croissance de sa population d’âge actif, soit principalement de celle qui est âgée de 15 à 64 ans. Plus nombreux, on peut produire plus de richesse. Moins nombreux, on en produit moins.

C’est ce dernier problème qui afflige le Japon depuis 20 ans. Sa population de 15 à 64 ans s’est mise à diminuer, et ce retournement démographique a plombé sa croissance. Le graphique 1 montre qu’après avoir augmenté de 9 millions de personnes de 1980 à 1995, le nombre de Japonais de cette grande catégorie d’âge, à l’inverse, a diminué de 9,5 millions de 1995 à 2014. Selon les projections démographiques présentement disponibles, le pays devrait continuer à perdre quelque 7 millions de personnes de 15 à 64 ans par décennie au moins jusqu’en 2050.

Graphique 1

Source: OCDE

Aux États-Unis, pendant ce temps, la population de 15 à 64 ans s’est agrandie de 45 millions de personnes. Le graphique 2 illustre la conséquence de cette évolution divergente de la démographie dans les deux pays. Il trace l’évolution du PIB de 1991 à 2014, une fois qu’on a fait abstraction de l’influence de la démographie, négative au Japon et positive aux États-Unis. Le PIB ainsi «nettoyé» de la démographie est le PIB par habitant de 15 à 64 ans de chaque pays. C’est sa trajectoire que trace le graphique 2. Cette mesure permet de capter uniquement la capacité des personnes de cette catégorie d’âge à créer la richesse, indépendamment de leur nombre.

Le graphique 2 montre que la baisse dramatique de la population de 15 à 64 ans du Japon a coupé les jambes de son PIB de 1991 à 2014. Sans cette perte, le PIB se serait accru annuellement de 1,3 % plutôt que de 0,8 %. Exactement le contraire s’est produit aux États-Unis. Sans l’ajout de dizaines de millions de personnes de 15 à 64 ans, le PIB américain aurait progressé annuellement de 1,5 % au lieu de 2,6 %. Le PIB par habitant de 15 à 64 ans est égal au PIB à prix constants (purgé de l’inflation) divisé par la population totale de 15 à 64 ans.

Graphique 2

        Source : OCDE

La croissance plus lente du PIB japonais que du PIB américain pendant cette période de 23 ans résulte donc principalement des tendances divergentes de la démographie dans les deux pays. Globalement, l’écart de croissance annuelle moyen entre les deux PIB est de 1,8 unité (= 2,6 – 0,8) si on inclut l’impact de la démographie, mais il n’est plus que de 0,2 unité (= 1,5 – 1,3) entre les deux PIB par habitant de 15 à 64 ans, si on retranche l’effet de la démographie.

Une version de ce billet a été publiée dans L’Actualité.