À compter du milieu du dix-neuvième siècle, le Canada est passé graduellement d’une économie coloniale à une économie continentale. Aujourd’hui, des entreprises canadiennes vendent et achètent des biens et des services partout dans le monde. Elles investissent aussi dans un grand nombre de pays, tout comme des entreprises étrangères investissent ici. Les Canadiens voyagent partout sur la planète, et ils accueillent un grand nombre de visiteurs étrangers. L’omniprésence dans certains commerces de produits étiquetés Fabriqué en Chine amène bien des gens à voir là le reflet de la mondialisation. Les succursales de la Société des alcools du Québec offrent en abondance des produits provenant de tous les continents, exception faite, bien sûr, de l’Antarctique. Au-delà de ces exemples, l’économie canadienne est-elle pour autant devenue mondialisée? Que révèlent les indicateurs macro-économiques quant au degré de mondialisation de l’économie canadienne?
- Les exportations de biens et services contribuent à environ un cinquième de l’ensemble de l’activité économique au Canada. En 2013, dernière année où des données sont disponibles, elles comptent, directement et indirectement, pour 21,7 % de la valeur ajoutée (PIB) et 16,9 % des emplois[1]. Les ventes aux États-Unis, à elles seules, représentent 15,3 % de la valeur ajoutée et 11,3 % des emplois. Ainsi, les ventes aux autres marchés participent relativement peu (6,3 %) à l’activité économique au pays.
- Un peu plus des trois quarts des exportations canadiennes de biens (76 %) sont allés aux États-Unis en 2016. Des 43 255 entreprises exportant des marchandises cette année-là, 35 203 ont réalisé des ventes aux États-Unis et 25 088 l’ont fait uniquement vers ce pays.
- Les importations jouent un rôle important au Canada pour, entre autres, répondre aux besoins des consommateurs et à ceux des entreprises à la recherche de biens d’équipement. Le contenu en importations des exportations est loin d’être négligeable dans certaines industries, notamment celles du matériel de transport. Une fois que l’on a tenu compte des importations en provenance des États-Unis (52 % du total des importations de biens) et de la Chine (12 %), il reste relativement peu pour les autres fournisseurs étrangers.
- Le commerce des services du Canada est moins dépendant des États-Unis que ses échanges de biens, mais ce pays compte tout de même pour 55 % de ses exportations et 54,4 % de ses importations.
- La part des actifs canadiens sous contrôle étranger atteint 17,2 % en 2015. La moitié de ces actifs est contrôlé par des entreprises américaines. En outre, seulement 11,8 % des emplois au Canada se retrouvent dans des sociétés à propriété étrangère en 2015. Toutefois, Statistique Canada attribue à ces sociétés 71,9 % du commerce extérieur de services technologiques, 52,8 % du commerce des marchandises, 49,9 % de celui des services commerciaux et 34,5 % des dépenses internes de recherche et développement d’où leur importance stratégique.
- Près des deux tiers de l’actif total détenu par des sociétés canadiennes oeuvrant à l’étranger sont localisés en Amérique du Nord (États-Unis et Mexique) en 2015. Cette région compte aussi pour la moitié de leurs employés travaillant à l’étranger.
Ainsi, la mondialisation n’est vraisemblablement pas aussi importante au Canada que ce que l’actualité économique peut bien des fois laisser croire. Même sur le plan de l’inflation, la Banque du Canada est venue affirmer dans son Rapport sur la politique monétaire d’octobre dernier que « La mondialisation ne contribue probablement pas de manière importante au bas niveau de l’inflation»[2].
En revanche, la mondialisation a un sens tout particulier au Canada lorsque l’on examine la composition de sa population. Les données de Statistique Canada provenant du Recensement de 2016 révèlent que :
- Plus d’un cinquième (21,9 %) de la population du Canada est née à l’étranger.
- Près de la moitié (48,1 %) de la population née hors du pays vient de l’Asie, et un peu plus du quart (27,7 %) de l’Europe. L’Afrique contribue de plus en plus à la population canadienne. Ce continent est maintenant le deuxième en importance du point de vue de l’immigration récente au pays.
- Environ six immigrants récents sur dix ont été admis en vertu du volet économique.
- Deux enfants canadiens sur cinq sont issus de l’immigration.
- Plus de 250 groupes ethniques contribuent à la diversité de la population canadienne.
Cette empreinte de la mondialisation au Canada est donc loin d’être négligeable, car sa capacité de développement économique tient, d’abord et avant tout, à ses ressources humaines. Les besoins en main d’œuvre vont grandissants, et le recours à celle provenant de l’extérieur du pays prend de l’ampleur.
Le tour d’horizon qui vient d’être fait porte à conclure que l’économie canadienne est bien davantage continentale que mondialisée. Sur le plan macro-économique, le marché intérieur est à l’origine de plus des trois quarts de l’activité économique. En outre, sans surprise, une grande part des échanges mondiaux du Canada est attribuable aux relations économiques avec les États-Unis. Les efforts importants de diversification des marchés déployés depuis près d’un demi-siècle n’ont pas encore réussi à modifier la tendance de fond. En revanche, la population canadienne est de plus en plus diversifiée, et elle devient graduellement un microcosme de l’humanité.
Aussi, il demeure très important de faciliter les échanges économiques entre les régions du Canada[3]. Même si l’Accord de libre-échange canadien est entré en vigueur le premier juillet dernier, subsistent plusieurs mesures ayant pour effet de diminuer le potentiel des échanges entre les provinces. Avec les États-Unis, la seule préservation des acquis semble tout un défi ces temps-ci dans un contexte de recrudescence du nationalisme politique et économique dans ce pays. L’influence américaine sur le mode de vie des Canadiens et des autres peuples n’en est pas moins importante en raison de la création et de la destruction économiques suscitées par les Alphabet, Amazon, Apple, Facebook, Netflix, Walmart, etc., de ce monde.
Enfin, on ne peut exclure la possibilité que la mondialisation ait plus de retombées et de conséquences au Canada que ce qui peut être mesuré sur le plan économique. Le Village global envisagé par Marshall McLuhan durant les années 1960 existe bel et bien aujourd’hui à divers égards. Pensons au réseautage des scientifiques et des experts internationaux rendu plus aisé grâce aux technologies de l’information et des communications. Les développements qui en découlent en pratique ne sont pas nécessairement mesurés comme une retombée de la mondialisation.
[3] Une étude de Statistique Canada, publiée le 14 septembre dernier, mesure l’équivalent tarifaire des obstacles au commerce entre les provinces avant l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange canadien.