LES INVESTISSEMENTS DES ENTREPRISES AU QUÉBEC: COMMENT AMÉLIORER NOTRE PERFORMANCE?

Les débats se poursuivent quant aux déterminants des dépenses d’investissements non résidentiels des entreprises privées et des sociétés d’État, œuvrant dans un environnement commercial, en technologies de l’information, en machinerie et équipements et en infrastructures, données que nous examinons dans ce billet.

Les programmes et politiques de nos gouvernements reflètent une grande diversité d’opinions concernant les secteurs d’investissements privés à privilégier.

Il n’existe cependant pas de débat quant à l’importance des investissements privés non résidentiels comme facteur déterminant de la productivité, de la compétitivité et de la croissance économique durable de nos économies.

L’Institut C.D. Howe publie annuellement un examen des investissements non résidentiels par travailleur dans les provinces canadiennes ainsi qu’aux États- Unis et dans l’OCDE[1][2]. À partir des données publiées par cet organisme, le présent billet compare la performance du Québec à celle de l’Ontario et à celle de l’ensemble canadien d’une part et comparativement à la donnée moyenne pour les États-Unis et  l’ensemble de pays de l’OCDE[3] d’autre part.

Investissements privés : comment se compare le Québec[4]?

Les tableaux 1 et 2 permettent de comparer la performance du Québec en matière d’investissements privés non résidentiels par travailleur avec celles de l’Ontario, du Canada, de l’OCDÉ et des États-Unis.

Tableau 1

Investissements privés non résidentiels par travailleur

(Taux de croissance annuel en %)

 

2006-2014

2015/2014

Québec

0,2

-2,4

Ontario

-1,0

1,2

Canada

2,8

-7,6

OCDÉ

1,6

0,3

États-Unis

2,1

0,6

Tableau 2

Investissements privés non résidentiels par travailleur

(Ratios)

 

OCDÉ=100

États-Unis=100

 

2006-2010

2011-2015

2006-2010

2011-2015

Québec

54

51

48

45

Ontario

59

52

52

45

Canada

82

87

72

75

a) Comparaisons avec l’Ontario et l’ensemble canadien

On ne peut discerner de changement significatif par rapport à l’Ontario, mais, selon les prévisions pour 2015, on anticipe une certaine réduction de l’écart par rapport à l’ensemble canadien essentiellement à cause de la chute dans le secteur pétrolier et gazier.

b) Comparaisons avec les pays de l’OCDE

Les données indiquent une performance relative moindre pour le Québec et l’Ontario.  Des dépenses d’investissement plus importantes sont désirables pour assurer notre compétitivité surtout si l’Accord économique et commercial global (AECG) entre l’Union européenne et le Canada et l’entente de Partenariat TransPacifique (PTP) sont approuvés et mis en oeuvre.

c) Comparaisons avec les États-Unis

Les données indiquent un déclin pour l’Ontario et le Québec par rapport à l’économie américaine.

Au total : des constats préoccupants

Un niveau d’investissement québécois de 51 % de la moyenne des pays de l’OCDE et de 45 % de celui des États-Unis depuis 2011 nous incite à conclure qu’il y a du chemin à faire par nos entreprises pour devenir et demeurer concurrentielles dans le contexte de mondialisation.  Et nous n’avons pas présenté les résultats pour la Chine et certains pays de l’Asie du Pacifique.

Rien de très réjouissant dans ces résultats qui témoignent d’un  certain «rattrapage» par rapport à l’ensemble canadien, mais d’un écart considérable et croissant par rapport aux pays de l’OCDE et aux États-Unis.

Quoi qu’il soit difficile d’établir des cibles par rapport aux pays de l’OCDE et aux États-Unis étant donné les caractéristiques différentes, dont l’âge et la répartition sectorielle des stocks d’investissements en question, nous demeurons avec une impression que nos investissements privés ne sont pas suffisants pour maintenir et améliorer notre rythme de développement économique et social dans un contexte économique caractérisé par : 

  • une croissance lente du PIB et des exportations canadiennes malgré un dollar canadien faible, situation qui risque de perdurer étant donné le contenu important des importations dans les exportations et la concurrence grandissante sur le marché américain et dans les chaines de valeur ajoutée,
  • une économie chinoise en ralentissement,
  • la faiblesse des monnaies européenne et japonaise,
  • la fragilité des pays en émergence, dont le Brésil, l’Afrique du Sud, la Thaïlande et la Turquie,
  • l’augmentation limitée des taux d’intérêt aux États-Unis,
  • nos politiques monétaires prises dans une «trappe de liquidité»,
  • nos recettes fiscales stagnantes,
  • des incertitudes quant à l’approbation des ententes de libéralisation des échanges, dont l’AECG et le PTP.

Ces constats doivent nous inciter à renforcer les initiatives en cours dans certains secteurs et à concentrer les investissements dans des domaines prometteurs pour améliorer notre productivité et favoriser le développement économique durable du Québec dans le contexte de la mondialisation.

Que faire?

Bien que la faiblesse de la croissance de la productivité aux États-Unis (elle est passée de 2,6 % entre 1990 et 2010 à 0,5 % de 2011 à 2015) atténue quelque peu la pression concurrentielle sur les entreprises québécoises, une reprise des dépenses d’investissement non résidentiels du secteur privé demeure nécessaire. Il s’agit en effet d’un moyen essentiel pour contribuer au changement structurel requis pour améliorer la performance de l’économie du Québec.

Il s’agit de sujets que nous avons analysés dans deux billets récents parus sur Libres Échanges[5]. Parmi nos propositions visant à aider à la hausse des dépenses des entreprises privées en investissement non résidentiel, rappelons:

a) la spécialisation dans l’économie numérique;

b) l’intégration et le développement des nouvelles applications des technologies de l’information dans les services aux entreprises et aux personnes;

c) la spécialisation dans les industries produisant des biens et services exportables à valeur ajoutée et à savoir élevé, entre autres, vers les économies du Sud-Est asiatique;

d) l’investissement dans les domaines du climat et de la sécurité;

e) l’électrification des transports et la mise au point de technologies de stockage de l’énergie électrique;

f) le développement minier dans les terres rares, l’indium, le gallium, le dysprosium et le cobalt, soit des produits en grande demande étant donné le développement de l’économie numérique.

Nous pouvons anticiper la poursuite du déclin du secteur manufacturier traditionnel et son remplacement progressif par des initiatives dans nombre de nouveaux domaines, dont ceux évoqués ci-haut, d’où l’importance de dépenses ciblées en formation, recyclage et aide à l’entrepreneuriat. Il ne faut pas non plus oublier des politiques de soutien du revenu et une réduction des écarts de revenus inacceptables. Ces dernières mesures sont nécessaires pour accompagner les changements structurels qui découleront d’un redressement des dépenses d’investissement non résidentiel de notre secteur privé.


[1]   Benjamin Dachis, William B.P. Robson and Aaron Jacobs. «A Crisis of Capital: Canadian Workers Need More Tools, Buildings and Equipment», Institut C. D. Howe, 16 décembre 2015.

[2] Les données historiques sur les investissements des entreprises en capital, machinerie et structures non résidentiels proviennent  de : OCDE, «Economic Outlook» no 97 de juin 2015. Les données canadiennes proviennent du Système de la comptabilité nationale pour le Canada et les provinces, données disponibles jusqu’en 2014. Les prévisions pour 2015 proviennent de : «Capital and Repair Expenditure Survey» de Statistique Canada (SC).  Les données de l’OCDE et de SC comprennent les entreprises privées et les sociétés d’État œuvrant dans un contexte commercial. Les données sur les investissements par industrie proviennent de la série 029-0045 de SC. Ces données ne comprennent pas les investissements en propriété intellectuelle alors que ceux-ci étaient compris dans les autres résultats cités. Les données sur l’emploi proviennent de l’Enquête sur la population active de SC.

[3]  Le lecteur intéressé à des données plus complètes par pays de l’OCDE pourra consulter la publication de Dachis, Robson et Jacobs de 2015.

[4] Les prévisions de cette variable se sont avérées assez imparfaites dans les études passées comme les auteurs le signalent d’ailleurs.

[5]«Pistes pour adapter le modèle québécois au nouveau contexte économique et technologique» (billet du 7 décembre 2015)  et «Grappes industrielles et mondialisation- d’importants défis à relever»  (billet du 16 novembre 2015).