LES PRÉLÈVEMENTS SUR LA MASSE SALARIALE: AUGMENTATION OU DIMINUTION EN VUE?

Le ministre des Finances du Québec annonçait le 2 novembre dernier la bonification du Régime de rentes du Québec (RRQ) au cours des prochaines années, bonification similaire à celle du Régime de pensions du Canada (RPC), son équivalent canadien. La bonification offrira un taux de couverture du revenu à la retraite majorée de 25% à 33%, en contrepartie d’un taux de cotisation de 2 points de pourcentage supplémentaires partagée également entre travailleurs et employeurs. Cette hausse de cotisations sera mise en place progressivement à partir de 2019 au rythme de 1/5 de 1% par année pour être pleinement en œuvre en 2023. 

Même s’il s’agit d’une amélioration significative pour les travailleurs, certains dénonçaient que cette bonification alourdirait encore le poids des taxes sur la masse salariale des entreprises québécoises. Est-ce justifié?

Notre première illustration montre les augmentations du salaire minimum (réelle et attendue) entre 2017 et 2023 en regard de la pression de la cotisation additionnelle au RRQ. Alors que le salaire minimum aura augmenté de 1,25$ l’heure au 1er mai 2018 et possiblement de plus de 3,10$ l’heure en 2023 par rapport à 2016, la cotisation accrue ne sera que de 12 cents de l’heure en 2023.

Impact sur le coût pour chaque heure de travail au salaire minimum horaire 

Pour les entreprises québécoises, le document de consultations publiques sur la bonification du Régime des rentes du Québec de décembre 2016 montrait déjà que les prélèvements sur la masse salariale des employeurs du Québec sont les plus importants au Canada. La deuxième illustration montre qu’en 2018, lorsqu’on compare le poids de l’ensemble des prélèvements sur la masse salariale en tenant compte du taux de cotisation effectif au RRQ d’une personne gagnant l’équivalant du maximum des gains admissibles, le taux de prélèvement atteint 14,7% des salaires versés au Québec comparativement à 11,3% en Ontario. La nouvelle cotisation au RRQ étant harmonisée à la bonification au RPC, elle augmentera le taux global, mais elle n’aggravera pas la comparaison avec l’Ontario.

Par contre une analyse plus attentive du graphique nous amène à constater d’où proviennent les écarts. Le taux de cotisation plus élevé au RRQ au Québec par rapport au RPC en Ontario explique un petit écart. Les cotisations à l’assurance-emploi et à l’assurance-parentale révèlent également un écart modeste à l’avantage de l’Ontario. Inversement, les cotisations pour la santé et la sécurité au travail apparaissent plus faibles au Québec qu’en Ontario. En combinant ces trois types de régimes assuranciels, le taux des prélèvements est relativement similaire, 9,3% du salaire versé en Ontario contre 9,5% au Québec. Ainsi, la pression de nos programmes sociaux de retraite ou d’assurance est relativement similaire à ceux de l’Ontario. En effet, la différence entre le Québec et l’Ontario est due très majoritairement à une autre composante soit au choix que le gouvernement du Québec a fait d’imposer une taxe sur la masse salariale pour le financement des soins de santé (cotisation au Fonds des services de santé ou FSS).

Taux de prélèvement sur la masse salariale au Québec et en Ontario pour un salaire équivalant au maximum des gains admissibles (55 900$) en 2018

Que nous réserve l’avenir? Dans l’éventualité où le ministre des Finances souhaite amoindrir le taux de prélèvement sur la masse salariale des entreprises québécoises pour tenir compte de la hausse progressive du taux de cotisation au RRQ entre 2019 et 2023, il pourrait parallèlement amoindrir le taux de cotisation au Fonds de service de santé.

NOTE : Ce texte a initialement été publié dans l’édition de février 2018 du MAG de la Chambre de commerce et d’industrie de Laval