La problématique
La fonction évaluative est essentielle à la conception et à la révision de programmes de qualité, c’est-à-dire pertinents (la bonne cible) et efficients (cible atteinte au moindre coût et autres inconvénients). L’importance de cette fonction vient encore d’être reconnue par le gouvernement, lequel a confié à la Commission de révision permanente des programmes un mandat prévoyant notamment l’évaluation en continu desdits programmes.
L’application de cette fonction au sein du gouvernement requiert toutefois un grand nombre de ressources spécialisées. Plusieurs ministères et organismes ne disposent pas suffisamment de ces ressources et la reddition de compte accapare déjà largement celles-ci. Le plan général de réduction des effectifs rendrait par ailleurs difficile le renforcement de cette fonction quant au nombre de professionnels impliqués.
L’avenue de l’évaluation participative
Pour pallier cette carence actuelle et prévisible en ressources spécialisées en évaluation de programme au sein même du gouvernement, un dispositif pourrait être mis en place pour profiter des compétences externes en évaluation de programme. Ainsi que le soulignait récemment la Société québécoise d’évaluation de programme , le « dialogue social peut être incorporé dans le processus évaluatif même d’un projet, des programmes et des politiques publiques ».
En vertu de ce dispositif, tous les projets de programmes ou de politiques publiques d’une certaine envergure seraient soumis à une consultation axée sur l’évaluation de leurs impacts potentiels. Ces impacts seraient identifiés dans un avis accompagnant ledit projet de programme, mais sans être évalués en tant que tel. À titre d’exemple, le projet de modulation des frais de garderie en fonction du revenu des parents identifierait les impacts potentiels sur le coût imposé à certains parents, le nombre de places en garderie, le bien-être et le développement des enfants et le taux de participation des femmes sur le marché du travail.
Des applications informatiques du type Exprimez-vous pourraient être mise en place pour chacun des projets de programme. L’on y retrouverait la documentation pertinente dont certaines études déjà réalisées sur le sujet, les résultats des évaluations d’impact réalisées à l’étranger, etc. Les experts, les personnes qui subissent les répercussions et la population en général auraient, par exemple, de 30 à 60 jours pour faire part de leurs commentaires et propositions, toujours axés sur l’évaluation des impacts potentiels du projet à l’examen.
Le défi consisterait en effet à aller au-delà des commentaires généraux pour amener les participants à véritablement apprécier les divers impacts, à les caractériser selon, par exemple, leur intensité, leur importance et leur durée. Un tel encadrement de la consultation serait requis aux fins de rendre l’exercice conclusif, c’est-à-dire apte à amener le gouvernement à conclure que le projet à l’examen comporte un avantage ou un désavantage net, qu’il s’agit autrement dit d’un bon ou d’un mauvais projet du point de vue de l’ensemble des participants à la consultation.
Soulignons qu’un tel dispositif visant à bâtir une culture et une capacité évaluatives à plus large échelle s’inscrirait bien dans l’orientation du gouvernement ouvert. Les ministères et organismes rendraient ainsi facilement accessibles les données dont ils disposent au regard du projet à l’examen et interagiraient avec les participants aux consultations.
Les avantages de la solution proposée
La solution proposée en est bel et bien une d’évaluation participative. Ainsi, elle ne signifie nullement une impartition de la fonction évaluative à l’extérieur du gouvernement. Les M/O disposeraient toujours d’experts de haut calibre en évaluation de programmes, mais ceux-ci seraient moins accaparés par l’évaluation au jour le jour d’un grand nombre de projets spécifiques. Les fonctions de recherche, planification et conception de programmes demeureraient toujours principalement assumées à l’interne au gouvernement.
Les experts gouvernementaux en évaluation de programmes profiteraient des résultats de la consultation, ciblée sur l’évaluation des impacts, pour collaborer avec leurs collègues en conception de programmes à la bonification des projets initiaux. Les modifications aux projets ne seraient plus vues comme des reculs du gouvernement, mais plutôt comme faisant désormais partie intégrante du processus évaluation-élaboration de programmes.
Soulignons enfin que nous sommes déjà passablement engagés dans cette voie de l’évaluation participative. Les projets de règlements sont ainsi soumis à la consultation pour une période préétablie et les commissions parlementaires permettent l’expression de nombreux commentaires et suggestions. La couverture des programmes est toutefois incomplète et les consultations sont insuffisamment encadrées.
Le problème se pose avec encore plus d’acuité dans le cas de certains programmes préparés à la va-vite, à la suite d’une crise, d’une promesse électorale ou autre et qui sont parfois annoncés à titre de ballon d’essai. Il en résulte que l’évaluation des impacts se fait bien souvent dans les journaux, sur les lignes ouvertes, ou au mieux, au Club des Ex.
Conclusion
La solution proposée viendrait formaliser davantage la consultation sur les projets de programmes, ceci en la ciblant sur l’ensemble des programmes (acception large des programmes) d’une certaine envergure et en l’axant clairement sur l’évaluation des impacts.
Elle pallierait la carence actuelle en ressources spécialisées en évaluation de programme au sein du gouvernement et, surtout, favoriserait la conception de programmes de meilleure qualité (pertinents et efficients) par le biais de leur évaluation continue.