L’IMMIGRATION DE PERSONNES QUALIFIÉES – BRÈVE ANALYSE COMPARATIVE DU CANADA ET D’AUTRES PAYS DÉVELOPPÉS

Le Pew Research Center a récemment publié une étude permettant de comparer certains aspects de la politique canadienne d’immigration avec celles de onze autres pays développés. L’étude porte plus précisément sur l’immigration de personnes qualifiées et est fondée sur l’analyse de recensements et d’enquêtes sur la population active des pays considérés.

La réceptivité de la population

Le Canada se situe au troisième rang parmi les pays inclus dans l’étude avec 84 % de la population en faveur de l’accueil d’immigrants hautement qualifiés. La Suède et le Royaume-Uni dépassent le Canada à cet égard avec des résultats respectifs de 88 % et 85 %. Pour l’ensemble des 12 pays considérés, la médiane se situe à 73 %.  Ces résultats concordent largement avec ceux présentés dans le billet, paru le 10 janvier dernier, qui montraient que l’immigration de travailleurs qualifiés se concentre aux États-Unis, au Royaume Uni, au Canada et en Australie. Les États-Unis représentent cependant un cas spécial. On y retrouve certes 14,7 millions de migrants ayant un diplôme post secondaire ou collégial, mais mis en relation avec la population totale ou le volume d’immigration, ce nombre est nettement moins remarquable que les 4,4 millions d’immigrants qualifiés du  Canada et les 3,4 millions du Royaume-Uni.

Les jeunes adultes et les adultes les plus éduqués ou ayant des revenus élevés sont les plus en faveur de solliciter les migrants hautement qualifiés dans leurs pays. Encore là, ces résultats concordent avec ceux de nombreux autres sondages.

L’enquête du Pew permet aussi d’observer que, à l’exception des Pays-Bas, d’Israël et de l’Italie, même dans les pays où la population souhaite une réduction du nombre total d’immigrants, la moitié ou plus des répondants aux sondages sont en faveur de l’immigration de travailleurs qualifiés.

L’importance relative de l’immigration qualifiée

L’étude du Pew indique que ce n’est qu’au Canada et en Australie que les migrants qualifiés forment la majorité des immigrants du pays.  Au Canada, les immigrants détenant un diplôme d’études postsecondaire représentaient 65 % du total des immigrants en 2015.  La proportion est de 63 % en Australie, mais elle chute à 49 % en Angleterre, à 36 % aux États-Unis et à 14 % en Italie.

Comparaisons avec la population native

En Israël et au Royaume-Uni, la part des immigrants détenant une formation postsecondaire est de 14 et 12 points de pourcentage plus élevée que dans la population née au pays. Au Canada et en Australie, c’est quatre points de pourcentage de plus que chez la population d’origine. À l’inverse, aux États-Unis, la formation postsecondaire de la population native dépasse de quatre points de pourcentage celle des immigrants.  La formation postsecondaire des natifs et des immigrants ne présente pas de différences notables en Suède, en Italie et en Espagne.

Les facteurs explicatifs

Le profil éducationnel des immigrants dépend de nombreux facteurs, dont l’historique des politiques d’immigration, la proximité géographique et les niveaux d’éducation. Les auteurs du Pew Research Center signalent que la politique canadienne d’immigration de 1967, qui a mis en place un système de pointage tenant compte du niveau d’éducation ainsi que de l’âge et de la langue, a fait augmenter le pourcentage d’immigrants ayant une formation collégiale ou universitaire de 13 % qu’il était en 1971 à 44 % en 1981. À titre de comparaison, ils signalent que, en France, la part des immigrants détenant une formation postsecondaire est passée de 9 % au début des années 1970 à 40 % après 2010, soit une progression moins rapide qu’au Canada.

Rappel des effets positifs de l’immigration qualifiée 

Les écrits examinés dans notre billet du 10 janvier identifient un ensemble d’effets positifs découlant de l’immigration de travailleurs hautement qualifiés. Ainsi, ceux-ci contribuent notamment :

  • au PIB, à l’emploi et aux salaires par le biais d’une augmentation de la productivité et des taux d’activité;
  • à l’innovation et à la création de créneaux d’excellence;
  • à la résorption des pénuries de main-d’œuvre dans les secteurs névralgiques liées à l’intelligence artificielle et aux applications numériques.

 Des politiques à évaluer

En contrepartie, des effets positifs de l’immigration de personnes qualifiées pour les pays d’accueil, des effets négatifs se manifestent dans les pays d’origine de ces immigrants dont la perte d’une main-d’oeuvre qualifiée qui aurait pu aider au développement de ces pays. Cet exode de cerveaux doit être pris en considération dans les politiques de développement international.

Par ailleurs, bien que justifié, l’accueil au Canada de réfugiés et de parents d’immigrants reçus pourrait modifier la proportion que représentent les travailleurs qualifiés dans la population immigrante.  Les autorités politiques canadiennes doivent donc s’interroger quant à savoir quels sont les impacts possibles sur la politique d’immigration en vigueur. Elles doivent aussi évaluer cette politique dans un contexte où les pénuries de main-d’œuvre non qualifiée risquent de se faire sentir durablement dans certains secteurs, et où des différences sensibles existent entre les marchés du travail respectifs des diverses provinces et régions du Canada.

Conclusion

Les données publiées par le Pew Research Center indiquent que le Canada arrive dans le groupe de tête des pays développés en ce qui a trait à la part que représentent les personnes qualifiées dans les flux d’immigration. Il faut s’en réjouir puisque les immigrants qualifiés contribuent de façon positive au développement économique. Cependant, cela ne doit pas empêcher les gouvernements fédéral et québécois d’évaluer de façon plus globale les multiples effets de leurs politiques actuelles.