Les blogues du 17 et du août ont montré que la présence des périodes d’austérité budgétaire du gouvernement du Québec ne s’explique pas par les forces internes de la société mais plutôt par les contraintes provenant de l’extérieur, principalement celles des marchés financiers et des agences de notation.
Ce blogue s’intéresse à l’implantation de l’austérité budgétaire en abordant trois aspects. Les deux premiers étudient d’un côté une vue idéaliste et de l’autre une vue réaliste de l’instauration de l’austérité. Enfin, il s’agira de répondre à la question suivante : pourquoi en est-il ainsi dans le choix des approches ?
L’approche technocratique ou idéaliste
Une vue idéaliste de l’implantation de l’austérité s’apparente au budget base zéro, où une remise en question des programmes remplace une simple reconduction. L’élimination du gras budgétaire s’effectue d’une façon rationnelle : une évaluation des programmes par rapport aux besoins à satisfaire, l’établissement des priorités et enfin la réduction, si ce n’est l’élimination, des programmes les moins efficaces.
La technocratie effectue un nettoyage dans les programmes en utilisant son expertise dans une opération voulant être qualifiée de soignée ou fine. C’est en grande partie l’objectif de la nouvelle Commission de révision permanente des programmes.
L’approche habituellement suivie
L’approche généralement suivie dans l’implantation de l’austérité budgétaire ne mérite point le qualificatif de raffinée mais plutôt celui de brutale. Elle implique différentes mesures pour réduire le déficit budgétaire : les mesures paramétriques, coupures des dépenses d’entretien, ajustement des règles comptables et recours à d’autres instruments politiques comme la réglementation.
Les mesures paramétriques pour diminuer un déficit budgétaire sont drastiques. Le gouvernement annonce une coupure généralisée des crédits de tous les ministères d’un pourcentage donné, disons cinq pour cent. Il peut y ajouter un gel des embauches ou le non-remplacement d’un départ sur deux. Ce ne sont pas des mesures particulières mais plutôt de portée générale (across-the-board).
Dans une période d’austérité, le central, ici le Conseil du trésor, laisse aux ministères et organismes le fardeau des décisions concernant où iront les coupures importantes. Ces derniers les appliqueront sur les dépenses qui peuvent être plus facilement différées comme les dépenses d’entretien des infrastructures. À cet égard, il y a déjà plusieurs décennies, j’avais fait une manchette dans The Gazette en prédisant correctement des coupures relatives plus importantes à la bibliothèque de mon université parce que les livres n’étaient pas syndiqués.
Il y a toutefois moyen de montrer une réduction du déficit en adaptant les normes comptables utilisées. Un chroniqueur économique, Francis Vailles, en a donné récemment un excellent exemple qui mérite d’être repris :
Depuis plus de 30 ans, quand le gouvernement du Québec s’entend avec une municipalité pour lui verser une subvention, il n’inscrit pas ce paiement de transfert dans ses dépenses de l’année. Curieusement, il étale ses versements sur plusieurs années, par exemple 20 ans, et il inscrit seulement dans ses dépenses la portion annuelle des versements. C’est le cas, par exemple, de la subvention pour le nouveau Colisée de Québec, de 200 millions.
Le Québec serait le seul à procéder ainsi au Canada. L’Ontario, la Colombie-Britannique ou le gouvernement fédéral, entre autres, inscriraient la subvention à la dépense dans l’année de son utilisation. Autrement dit, en Ontario, un Colisée grèverait le budget de l’année de 200 millions, essentiellement, comparativement à environ 10 millions au Québec !
Un autre moyen de réduire le déficit se trouve dans le changement du mode d’intervention; au lieu de dépenser, comme une subvention aux éditeurs de livres, on peut réglementer comme la légalisation sur le prix unique.
Un exemple d’une importante intervention gouvernementale qui ne se traduit pas par des dépenses budgétaires est le soutien des prix des produits laitiers par les contingentements de production et des mesures tarifaires. Selon les estimés de l’OCDE (2013 : 337 et 362), les producteurs canadiens de lait recevaient en 2012 un transfert estimé à 3,2 milliards de dollars, soit 52,7 pourcent des recettes brutes pour le produit, à un coût pour les consommateurs de 3,6 milliards.
Pourquoi en est-il ainsi ?
L’implantation d’une austérité budgétaire, imposée en très grande partie par la peur d’une décote de la part des agences de notation, a un coût politique important pour le parti au pouvoir. La popularité ne s’acquiert pas par le refus d’accorder des subventions, explicites ou implicites. Pouvons-nous alors reprocher au gouvernement de vouloir en minimiser les coûts politiques ?
Il n’est donc pas approprié de s’attaquer à la structure des programmes avec une approche apparentée au budget base zéro pour au moins deux raisons. Premièrement, la structure des programmes reflète les forces et intérêts en présence dans une société. L’austérité imposée de l’extérieur ne change pas ou très peu l’équilibre de ces forces. De plus, une remise en question des programmes serait une importante source de tension ou de discorde entre les différents ministres sectoriels au moment où la solidarité est si nécessaire. Les mesures paramétriques deviennent alors perçues comme équitables en mettant tous les secteurs sur le même pied.
Comme les agences de notation se concentrent sur l’importance du déficit budgétaire, la priorité gouvernementale vise à montrer une belle image sur cet aspect du budget, tout en minimisant le coût politique.