Un récent blogue montre que l’écart du revenu réel moyen entre le Québec et l’Ontario est négligeable. Ce résultat n’est pas une aberration malgré une expansion économique généralement plus rapide en Ontario qu’au Québec. L’intégration économique des deux provinces, par le commerce des produits et l’ajustement du marché du travail par différentes voies tel le choix de résidence des immigrants, permet une forte égalisation des rémunérations réelles. Ce qui ne s’égalise pas est le prix du sol. Les régions plus prospères ont un prix du sol plus élevé qui augmente le coût du logement. Il y a aussi leurs salaires monétaires accrus qui ont un impact sur les prix des services locaux qui recourent davantage à la main-d’œuvre.
Remise en question de la péréquation
L’égalisation des revenus réels entre le Québec et l’Ontario remet en question le bien-fondé du programme fédéral de péréquation qui représente une dépense de 14,7 milliards de dollars en 2011-2012. Les paiements de péréquation existent au Canada depuis 1957. Ils sont des subventions inconditionnelles du gouvernement central qui permettent aux provinces dites « pauvres » d’obtenir des recettes par habitant plus proches de la moyenne des provinces. Ces provinces peuvent alors offrir des services publics provinciaux de quantité et de qualité près de la moyenne des provinces sans demander un effort fiscal plus élevé à leurs contribuables.[i]
Comme l’indique le tableau 1, les paiements de péréquation sont une source importante de recettes pour le gouvernement du Québec: les 8 milliards et plus de dollars reçus annuellement entre 2008-2009 et 2010-2011 représentaient 18 pour cent de ses revenus autonomes. Jusqu’en 2009-2010, le gouvernement ontarien n’avait rien obtenu de ce programme; pour la première fois cette année-là, l’Ontario recevait pour la péréquation un montant relativement faible de 347 millions mais qui s’accroît considérablement depuis. L’écart de la subvention par habitant demeure élevé : en 2011-2012, la péréquation représente 979 $ par tête au Québec contre 165 $ en Ontario. De plus, le coût de la vie demeure plus élevé en Ontario de plus de dix pour cent.
Tableau 1 | ||||
Paiements fédéraux de péréquation pour le Québec et l’Ontario | ||||
2005-2006 à 2012-2013 | ||||
QUÉBEC |
ONTARIO | |||
Année fiscale |
Total |
Par habitant |
Total |
Par habitant |
$ millions |
$ |
$ millions |
$ | |
2005-2006 |
4 798 |
633 |
0 |
0 |
2006-2007 |
5 539 |
726 |
0 |
0 |
2007-2008 |
7 160 |
931 |
0 |
0 |
2008-2009 |
8 028 |
1 036 |
0 |
0 |
2009-2010 |
8 355 |
1 067 |
347 |
27 |
2010-2011 |
8 552 |
1 082 |
972 |
73 |
2011-2012 |
7 815 |
979 |
2 200 |
165 |
2012-2013 |
7 391 |
—- |
3 261 |
—- |
* en utilisant la population au 1er juillet de l’année fiscale |
Source : http://www.fin.gc.ca/fedprov/mtp-fra.asp consulté le 31 janvier 2012.
La raison de cet important écart de la péréquation entre le Québec et l’Ontario provient du fait que les calculs se basent sur des données qui ne tiennent pas compte du différentiel du coût de la vie entre les deux provinces; elles ont pourtant des revenus réels moyens à peu près semblables. Ainsi, la plus grande partie de la péréquation canadienne refuse implicitement la présence d’un marché commun ou de l’intégration de l’économie canadienne.
Péréquation et rentes des ressources
Des économistes rationalisent le programme de péréquation en raison d’une recherche de l’efficacité économique : l’attrait de la valeur des ressources naturelles, qui relèvent de la compétence des provinces, peut engendrer une trop grande migration comme c’est aussi le cas pour un très beau site ou paysage sans droit de propriété. Par exemple, une personne déménage en Alberta non à cause d’une plus grande productivité mais pour pouvoir bénéficier de meilleurs services publics avec des taxes réduites comme une absence de taxe de vente.[ii]
La péréquation diminuerait ainsi cette mobilité trop élevée qui est une façon parmi d’autres de dissiper la rente des ressources. Encore là, ces valeurs devraient être bien mesurées. Comme les rentes sur les ressources naturelles y compris les ressources hydrauliques sont tout probablement relativement plus importantes au Québec qu’en Ontario, la péréquation deviendrait ainsi favorable à l’Ontario.
Conclusion
Cette note a voulu montrer que le programme fédéral de péréquation repose sur des bases fragiles qui s’opposent à l’idée d’une économie canadienne intégrée. Comme le Québec est une économie ouverte, l’apport positif net de ce programme se traduit à long terme non par un accroissement du revenu réel des québécois mais par un accroissement de sa population.
[i] Le principe de la péréquation est inscrit dans la Constitution canadienne depuis 1982 : « Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l’engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernement provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d’assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables. » (Paragraphe 36(2))
[ii] Suite à la révision du système de péréquation en 2007, ce sont la moitié des montants réellement perçus par les provinces qui forment l’assiette de la capacité fiscale des ressources naturelles. Pour l’hydroélectricité produite dans quatre provinces (Terre Neuve et Labrador, Québec, Manitoba et Colombie-Britannique), ce sont les redevances et les dividendes versés par les sociétés d’État Hydro à leur gouvernement qui sont inclus dans la mesure de la capacité fiscale.