MIGRATION DE LA MAIN-D’ŒUVRE AGRICOLE ET PROSPÉRITÉ CHINOISE

Au recensement de 1891, les secteurs  de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche représentaient au Canada 48 pour cent de l’emploi contre 2 pour cent en 2012. Ainsi, les secteurs primaires ont servi de réservoir de main-d’œuvre pour le reste de l’économie. En migrant vers les secteurs de la fabrication ou des services, la main-d’œuvre excédentaire des secteurs primaires a pu toucher de meilleurs revenus et l’économie dans son ensemble est devenue plus prospère grâce à un emploi plus productif des ressources. Le cas du Canada n’a rien d’exceptionnel. Tous les pays développés sont passés d’une économie fortement concentrée dans les secteurs primaires vers une économie où ces secteurs ne représentent plus qu’une faible proportion de l’emploi.

L’économie chinoise passe présentement par une telle transition selon ce que rapporte une étude que vient de publier l’OCDE[1]. Ainsi, la part de l’emploi dans l’agriculture, la sylviculture et la pêche a chuté en Chine au cours des dernières années, passant  de 50,0 pour cent en 2001 à 34,8 pour cent en 2010. Ce déplacement de la main-d’œuvre  a permis à l’économie chinoise de réaliser d’importants gains de productivité. L’OCDE estime en effet que dans ce pays, le rapport de la productivité de la main-d’œuvre non agricole sur celle de la main-d’œuvre agricole se situait à environ 4,5 au début des années 2000. Le fait que ce réservoir de main-d’œuvre bon marché soit encore important permet à la Chine d’espérer maintenir des taux de croissance élevés au cours des prochaines années.

Les paragraphes suivants de l’étude de l’OCDE explicitent cette évolution (traduction libre).

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La migration continue des travailleurs agricoles contribuera à la croissance de la productivité

À moyen terme, l’effet de la démographie sur la croissance économique va se renverser. Au lieu de soutenir la croissance, elle pourrait la freiner : la population en âge de travailler diminuant tandis que la population plus âgée ira en augmentant. Au cours des trois dernières décennies, une baisse de la fécondité et une croissance démographique plus lente ont soutenu une forte croissance économique alors que le rapport de dépendance diminuait et le taux d’épargne augmentait. Le taux de fécondité, aux alentours de 1,5, est maintenant bien en dessous du taux de remplacement, et il est encore plus faible dans les régions les plus économiquement avancées du pays, reflétant une application plus rigoureuse de la politique de planification familiale dans les zones urbaines.

Comme dans d’autres pays industrialisés, le taux de fécondité dans les campagnes est susceptible de diminuer en raison de la hausse des revenus et de la participation au marché du travail, des niveaux plus élevés de scolarité et des coûts de renonciation croissants d’élever des enfants. Une baisse marquée de la proportion de femmes parmi les cohortes les plus jeunes dans la prochaine décennie favorisera aussi une baisse de la fécondité et de la croissance démographique. À plus long terme, la préférence pour les bébés de sexe masculin peut diminuer avec l’augmentation du niveau d’éducation des femmes et avec la mise en application du changement de politique permettant un deuxième enfant quand le premier est une fille. La part de la population âgée de 20 à 64 ans dans la population totale devrait atteindre un sommet plus tôt et le rapport de dépendance des personnes âgées va continuer à augmenter, exerçant une pression à la baisse sur les taux d’épargne (si les personnes âgées en Chine se comportent comme ailleurs dans le monde).

Avec le ralentissement de la productivité, un taux d’investissement déjà élevé et un vieillissement de la population, une croissance rapide et continue dans le secteur manufacturier et dans les services demandera encore un transfert de main-d’œuvre du secteur agricole. L’emploi agricole est en baisse depuis une dizaine d’années à un taux moyen de 3,5 % par année, avec une migration massive des campagnes vers les villes. Cette baisse de l’emploi n’a pas été accompagnée d’une baisse de la production agricole, bien au contraire [figure 1]. La poursuite de  la migration des travailleurs de l’agriculture contribuera à stimuler la rentabilité des fermes, conduisant à des gains supplémentaires provenant d’une  mécanisation accrue. En outre, une certaine consolidation des fermes en grandes unités peut se produire à condition que les lois régissant les droits de  propriété des terres rurales soient modifiées afin de permettre la vente de droits d’usage et de favoriser le marché locatif pour les terres agricoles.

Figue 1. En agriculture, l’emploi a baissé et la productivité a crû

Observations annuelles, 1991-2001

Note : Le secteur agricole inclut ici la sylviculture et la pêche.

De plus, l’ensemble de l’économie réalisera des gains considérables  de productivité au fur et à mesure que la population se concentrera en zone urbaine et que la main-d’œuvre agricole migrera vers les secteurs à plus forte valeur ajoutée dans les secteurs de la fabrication et des services.

Un scénario fondé sur une diminution de l’emploi agricole au même rythme que durant les cinq années se terminant en 2011 conduirait à une réduction de la part de la population active dans l’agriculture à 12,5 % en 2025, comparativement à plus de la moitié de l’emploi total il y a dix ans. Une telle réaffectation  massive de la main-d’œuvre eut lieu en Corée au cours de sa période d’industrialisation rapide de 1970 à 1990, et plus tôt au Japon [figure 2]. Elle fut également  déjà observée dans les cinq provinces chinoises les plus avancées au cours des deux dernières décennies. Dans ce scénario, la population active non agricole continuerait de croître à près de 2 % par année, un rythme solide,  mais plus lent que lors d’un  passé récent.

Figure 2. Baisse de l’emploi agricole dans des pays et régions de l’Asie de l’Est

Note : Le secteur agricole inclut ici la sylviculture et la pêche.


 


[1] OECD (2013) OECD Economic Surveys: China 2013, Paris: OECD Publishing, p. 29-31.