NOUVELLE TENTATIVE DE SIMPLIFICATION RÉGLEMENTAIRE ET ADMINISTRATIVE : CETTE FOIS-CI SERA-T-ELLE LA BONNE ?

En janvier 2011, le gouvernement du Québec mettait sur pied un groupe de travail afin de faire des recommandations concrètes visant à alléger le fardeau imposé aux entreprises par la réglementation et les formalités administratives qui en découlent. Le 17 janvier dernier, le président du groupe de travail, Michel Audet (Ministre des finances de 2005 à 2007), rendait public un rapport contenant 63 recommandations qui vont de la plus pointue à la plus générale.

Ces recommandations sont regroupées selon quatre axes :

Axe 1 : Mieux réglementer

Cette section comprend cinq recommandations visant pour l’essentiel à amener les ministères à mieux tenir compte des conséquences économiques des projets de réglementation qu’ils élaborent.

Axe 2 : Contenir le fardeau de la paperasserie

Cette section comprend aussi cinq recommandations visant à réduire les formalités administratives de toutes natures imposées aux entreprises par la réglementation et par les programmes d’aide.

Axe 3 : Des propositions concrètes touchant toutes les entreprises

Cette section comprend 54 recommandations touchant le développement des services en ligne, la simplification de l’administration fiscale, la facilitation de la conformité aux exigences environnementales, etc. Cet axe comporte des recommandations très pointues. À cet égard, la plus rigolote est la suivante, que l’on trouve dans la rubrique Moderniser les exigences réglementaires et administratives en matière de vente d’alcool :

Prévoir une exception aux articles 26 à 30 de la Loi sur les permis d’alcool (L.R.Q., c. P-9.1), afin qu’un client qui n’a pas terminé une bouteille de vin puisse la faire reboucher pour la rapporter à la maison.

Fini le gaspillage! De plus, le groupe de travail demande que cette recommandation soit mise en application dès cette année : pas de niaisage!

Axe 4 : Faciliter le démarrage d’une entreprise

Le dernier axe est important car il porte sur le démarrage d’une entreprise. Sans doute le plus pertinent en ce qui a trait à la stratégie de l’entrepreneuriat, il ne comporte toutefois que six recommandations. Elles visent à simplifier l’inscription d’une nouvelle entreprise auprès des instances gouvernementales, mais surtout à permettre aux entreprises qui démarrent de trouver facilement toute l’information dont elles ont besoin, que ce soit à propos des permis et licences requis ou des obligations auxquelles elles doivent se conformer.

Prochaine étape : la mise en application du rapport

Il y a plusieurs années déjà que le gouvernement tente de réduire le fardeau réglementaire et bureaucratique imposé aux entreprises. En 1996, le gouvernement avait adopté les Règles sur l’allégement des normes de nature législatives ou réglementaires. Par la suite, des groupes conseils ont été créés pour conseiller le gouvernement sur les mesures à prendre en la matière. Il y a eu le groupe présidé par Bernard Lemaire (Cascades), qui a produit trois rapports (en 1998, 2000 et 2001), puis celui présidé par Raymond Dutil (Groupe Procycle), avec son rapport de 2003. Enfin, c’est Michel Audet lui-même, alors qu’il était Ministre du développement économique et régional, qui a publié en 2004le plan d’action Simplifier la vie des entreprises pour créer plus d’emplois et de richesse.

Et malgré toutes ces initiatives, la situation ne s’est pas beaucoup améliorée. Selon une étude de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, parmi les provinces canadiennes, c’est au Québec que le coût de la réglementation en proportion du PIB était le plus élevé en 2008, ex-æquo avec la Colombie-Britannique et l’Île-du-Prince-Édouard[1].

Ce nouveau plan Audet reprend en gros les mêmes thèmes que les tentatives précédentes : la politique gouvernementale, l’environnement, la fiscalité, le démarrage d’entreprises, la restauration, la vente d’alcool, etc. Bref, on pourrait avoir l’impression que ce combat contre les formalités réglementaires et administratives est toujours à refaire.  Il me semble toutefois qu’il est plus pertinent que jamais de reprendre ce combat parce que l’on est entré depuis 2008 dans une nouvelle ère où l’intervention étatique a retrouvé de la légitimité et que le gouvernement fait constamment face à des demandes de réglementation.

Il s’agit à ce stade-ci, d’un rapport au gouvernement. Ce dernier ne donnera pas forcément suite à toutes ces recommandations. Voici celles qui m’apparaissent les plus pertinentes:

  • La publication des analyses d’impact réglementaire. Tous les rapports depuis 1998 ont fait cette recommandation et le gouvernement n’a jamais donné suite. Pourtant, le gouvernement fédéral publie ces analyses depuis très longtemps sans qu’il en ait résulté des problèmes politiques;
  • L’engagement à publier les délais de réponse (recommandations 19 et 33), ce qui enlève une incertitude très frustrante pour les entreprises. Le rapport aurait pu cependant aller plus loin sur la question des délais en demandant d’analyser la situation dans les différents ministères en vue de procéder à des réductions de délais quand ceux-ci sont trop longs. Dans le cas des autorisations environnementales, les délais peuvent prendre des mois, voire des années. Or, le temps peut faire la différence entre le vie ou la mort d’un projet d’investissement;
  • La simplification des programmes d’aide (recommandations 51 et 52) est une bonne idée même s’il ne s’agit pas d’obligations réglementaires : les entreprises peuvent perdre beaucoup de temps à se démêler dans le fouillis des multiples programmes d’aide;
  • L’idée de mettre en place un comité de suivi comprenant des représentants des associations privées est aussi une bonne idée puisqu’elle mettra de la pression sur les ministères afin qu’ils mettent en œuvre les recommandations qui auront été retenues. Ainsi, la présence de ce comité de suivi aidera peut-être le gouvernement à atteindre enfin l’objectif de réduction de 20 % du coût des formalités administratives imposées aux entreprises; au moment où il a été fixé (en 2005), cet objectif devait être atteint avant la fin de 2010; or, à échéance les coûts n’avaient été réduits que de 6,7 %; le groupe de travail recommande donc de reporter l’échéance de cet objectif à 2015;
  • L’idée de tenir compte des impacts de la réglementation sur les PME m’apparaît également opportune étant donné que celles-ci n’ont pas les mêmes capacités financières et administratives que les grandes entreprises. Je m’interroge toutefois sur la forme que prendra cette clause PME. Il serait difficilement acceptable que le gouvernement adopte des règlements à deux vitesses. Si les consommateurs ou l’environnement doivent être protégés, cette protection doit s’appliquer peu importe la taille des entreprises. La clause PME devrait être comprise comme étant l’obligation pour les ministères de ne pas promulguer des normes que les PME ne seraient pas en mesure d’appliquer.

Enfin, si l’on ne peut que souscrire aux efforts recommandés pour simplifier l’administration de la fiscalité, il reste qu’il serait plus efficace encore de simplifier le régime fiscal lui-même.

Et voilà. Maintenant, il ne reste plus qu’à espérer que cette fois sera la bonne !

(Le rapport Simplifier et mieux réglementer est disponible à l’adresse : http://w1p.fr/48344 )

 


 


[1]FÉDÉRATION CANADIENNE DE L’ENTREPRISE INDÉPENDANTE, La prospérité ligotée par une réglementation excessive, 2e édition,Toronto, Canada, 2010.