Les voyages récents de monsieur Harper et l’envoi d’une délégation québécoise en Asie du Pacifique sont une indication de l’importance accrue qu’il nous faut donner à cette région du monde, dans nos politiques publiques visant la compétitivité internationale et domestique.
La montée du bloc Asie Pacifique
Les projections récentes de l’OCDE indiquent que la Chine et l’Inde passeraient de 24 % du PIB mondial en 2011 (en parité de pouvoir d’achat de 2005) à 46 % en 2060. La Zone Euro passerait de 17 % en 2011 à 9 % en 2060 et les É.U. de 23 % en 2011 à 16 % en 2060. Certains auteurs dont R. Sharma dans un article récent de Foreign Affairs, contestent ces projections, mais quelque soit l’ampleur de la montée de la zone Asie Pacifique, la diversification de nos relations de commerce et d’investissement et leur réorientation vers l’Asie du Pacifique s’impose.
L’absence de la Chine dans les négociations du Partenariat Trans-Pacifique qui vise la disparition des tarifs et des barrières non tarifaires d’ici 10 ans, ses initiatives pour attirer le Japon dans une entente régionale alternative a trois avec la Corée du Sud, son malaise concernant la présence des États-Unis dans la région, présence désirée entre autres par Singapour et les Philippines, voilà des sujets qui devraient nous inciter à une réflexion approfondie concernant ce qu’il faut envisager dans nos relations avec la Chine d’une part, les autres pays partenaires du PTP dont les É.U. d’autre part et l’Europe.
Certains analystes envisagent que l’entente PTP que les É.U. voudraient calquer sur leur entente récente avec la Corée remplacerait nombre des ententes bilatérales et plurilatérales existantes, dont l’ALÉNA. Il est donc important de bien examiner le contenu des négociations en cours au sein du PTP avec ses 26 chapitres et sa bonne douzaine de comités de travail auquel le Canada s’est joint le 9 octobre pour porter le nombre de pays participants à 11 et ce en parallèle avec ce qui est en négociation avec l’Europe, car des différences sont présentes selon les sujets négociées.
On nous signale que les négociations avec l’Europe excluraient les secteurs de la santé, de l’éducation, la sécurité sociale, les travaux publics, la garde d’enfants, l’eau potable, Hydro Québec… Reste à établir entre autres sujets comment on traitera des programmes concernant le soutien agricole dans les domaines du lait des oeufs et du poulet. On sait que les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande demandent l’ouverture de ces marchés dans les négociations PTP et que le lobby agricole japonais explique l’absence du Japon dans ces négociations. Il est peu vraisemblable que le traitement du PTP et de l’entente avec l’Europe diffèrent de beaucoup.
Les consultations menées par le représentant du Président pour le Commerce international ( USTR) indiquent qu’en plus de ces questions d’agriculture soulevées par le National Chicken and Poultry Council, on veut négocier de nouvelles règles pour la certification des produits afin de mieux définir les règles d’origine et revoir les règles visant les investissements directs étrangers, les systèmes de gestion de l’offre et les régimes de protection intellectuelle touchant les domaines pharmaceutiques (les É.U. et L’Europe voudraient augmenter la durée des brevets) , technologiques, la musique, le film et les marchés publics.
La liste des 26 chapitres du projet PTP indique qu’il pourrait être question de nombre de sujets dont certains sont aussi touchés dans le cadre des négociations en cours avec l’Europe a savoir : la culture (voudra-t-on envisager une mention du sujet dans le préambule du TPP), les droits des investisseurs
étrangers et les procédures d’implantation des entreprises étrangères, les télécommunications, les services dont les services financiers (domaine intéressant pour nous), les normes de travail, l’aide aux entreprises, les entreprises d’État ( le Vietnam, la Thaïlande et l’Indonésie auraient des réserves sur ce sujet et la prise en considération des marchés publics), la mobilité temporaire des travailleurs, plus de cohérence réglementaire dont celle dans le domaine de l’environnement, les textiles, la construction de maisons…
Quels gains et quelles réactions ?
Selon l’étude récente de P. Petri et M. Plummer des universités Brandeis et Johns Hopkins, la participation du Canada au PTP ferait augmenter ses exportations de 15 à 16 milliards de dollars U.S. soit de 2,6% d’ici 2025. Cette étude indique que les gains potentiels seraient surtout manifestes dans les services financiers. Ils concluent qu’il n’y aurait pas de gain dans les exportations de matières premières déjà traitées en libre-échange.
Ces résultats quantitatifs sont relativement peu élevés, mais la gamme des sujets traités indique au contraire que le PTP et l’entente-cadre avec l’Europe, lors de leur mise en application nécessiteront des modifications importantes de nos politiques.
Les effets positifs et négatifs qui découleront de ces ententes ne peuvent que faire l’objet de spéculations présentement, car le niveau d’ouverture et d’information concernant ces négociations laisse à désirer et les divergences sérieuses qui existent entre les participants sur plusieurs sujets.
Il est indiqué de suivre les décisions du Japon concernant sa participation au PTP et ses relations avec la Chine, car nos positions stratégiques en dépendent de façon importante. Les débats dans les domaines de la protection intellectuelle et des systèmes de gestion de l’offre sont à scruter de près, car leurs effets potentiels pour notre économie sont importants. Favoriser les initiatives visant les pays de l’Asie du Pacifique nous apparait aussi indiqué.
Concluons ce bref examen du sujet en soulignant toute l’importance des politiques domestiques d’innovation dont celle favorisant l’application des techniques de digitalisation et du 3D dans la conception et la production dans le secteur manufacturier, de politiques pour favoriser la participation de nos PME dans les chaînes de valeur ajoutée dont celle de l’Asie du Pacifique et des États-Unis en particulier, de formation, de marketing international , d’attraction des investissements directs étrangers et de politique éclairée d’investissement direct à l’étranger, et ce surtout dans les secteurs ouverts au commerce international afin de tirer le maximum des effets positifs et minimiser les effets négatifs qui découlent de ces ententes.
Références.
Jean –Pierre Furlong « La Politique Commerciale du Canada en attendant …» Blogue de l’ASDEQ, le 12 septembre 2012.
Hart, Michael. « Breaking Free: A Post-mercantilist Trade and Productivity Agenda for Canada ». Institut C.D. Howe, août 2012. 27 pages.
CEIM, Chronique commerciale américaine, Bulletin d’information, volume 5, no 9, septembre-octobre 2012,
R Sharma, « How the BRIC’s are crumbling and why global economic convergence is a myth », Foreign Affairs, November-december, 2012, pp 2-8.