PEUT-ON PRENDRE AU SÉRIEUX LES PROJECTIONS DE CROISSANCE DE LA BANQUE DU CANADA?

Qu’est-ce qui peut bien amuser les économistes de la Banque du Canada au moment de préparer leurs perspectives de croissance de l’économie canadienne? Jouent-ils au yoyo avec les projections du scénario de référence de la Banque? 

En juillet dernier, le Rapport sur la politique monétaire de la Banque prévoyait une croissance annualisée du PIB réel de 2,8 % au troisième trimestre de 2011 et de 2,9 % au quatrième. Dans le rapport d’octobre, ces projections étaient ramenées respectivement à 2,0 % et 0,8 %. Peu de temps après leur publication, le Gouverneur de la Banque devait admettre publiquement que ces prévisions sous-estimaient probablement le rythme de croissance de l’économie canadienne. Dans son rapport du 18 janvier, la Banque établit à 3,5 % la croissance au troisième trimestre et estime à 2,0 % celle du quatrième. Dans ces circonstances, on peut s’interroger sur la solidité de ses projections de croissance du PIB de 1,8 % aux premier et deuxième trimestres de 2012.Comment expliquer ces différences? Il y a bien sûr l’incertitude quant à l’évolution de l’économie mondiale et ses répercussions sur l’économie canadienne. En outre, les projections trimestrielles de la Banque sont publiées en taux annualisés, ce qui a tendance à accentuer les écarts. Pour atténuer cela, elle pourrait aussi présenter les pourcentages de variations trimestrielles et mettre l’accent sur ceux-ci dans ses publications. Moindres ainsi, en apparence, seraient les corrections aux prévisions. 

Mais, il y a peut-être plus. La Banque serait-elle obsédée par le consensus ou la moyenne des prévisions du secteur privé ou la hantise de s’en écarter? Donne-t-elle suffisamment d’importance à la connaissance et à l’analyse des indicateurs avancés de l’évolution de l’économie?

 Face à tant de mouvance dans les projections de la Banque, il y a des risques qu’elle ne soit pas prise suffisamment au sérieux lorsqu’elle envoie des messages aux Canadiens sur d’autres sujets, comme l’endettement des ménages.

 Une question plus large s’impose tenant compte de la difficulté de prévoir les mouvements dans le cycle économique, les crises financières ou même la présence de bulles et leur éventuel éclatement : les économistes jouent-ils avec des outils d’analyse et de prévision dont on peut douter de la performance? En allant un peu plus loin : les économistes qui font des prévisions nuisent-ils à la crédibilité de la profession? Ils sont peu nombreux, reçoivent beaucoup d’attention et de visibilité, et leur évaluation est souvent basée sur leur capacité à avoir prévu un point de retournement récent dans le cycle. S’ils se trompent la fois suivante, on les oublie et on passe à une autre comète. Certains cyniques pourraient avancer que les économistes font des prévisions non pas en raison de leur justesse, mais parce que, tout simplement, on leur demande d’en faire.

 P.S. : Malgré ce qui précède, je dois admettre que j’ai développé une certaine dépendance à tout ce qui se publie sur les perspectives économiques.