POUR L’ABOLITION DE L’IMPÔT SUR LE REVENU DES ENTREPRISES

Les recettes provenant de l’impôt sur les revenus des entreprises sont en déclin tendanciel dans nombre de pays[1].  Nos voisins américains ont depuis longtemps appris à ne pas payer l’impôt sur les sociétés incorporées selon le mode traditionnel. Des questions se posent pour la fiscalité canadienne des entreprises. 

La situation américaine 

Aux États-Unis, 60,000  «corporations» au sens de la législation fiscale, disparaissent annuellement. Selon William McBride[2] ce phénomène est attribuable à la double taxation qui incite les entreprises à trouver des moyens pour payer moins d’impôt. Il y a en effet double taxation du fait que les revenus de la corporation qui sont déjà imposés à un taux très élevés aux États-Unis le sont une nouvelle fois lors de la distribution de dividendes aux actionnaires. Pour éviter cette double imposition, les entreprises choisissent de s’incorporer en vertu du sous-chapitre S de la législation fiscale américaine, une forme qui permet que les revenus soient  imposés une seule fois et à titre de revenus des individus. Environ 90% des entreprises américaines choisiraient cette formule qualifiée de pass through.

Ce phénomène se serait accéléré depuis 1986 alors que les taux d’imposition sur les individus ont été fixés à un niveau inférieur à ceux des corporations. Diminuant sans cesse, le nombre d’entreprises enregistrées comme corporations traditionnelles serait descendu au niveau de 1974.

McBride déplore cette situation du fait que la corporation traditionnelle est une forme efficace pour le financement de projets de grande envergure. Ajoutons que cette forme d’incorporation permet aussi plus facilement à l’entreprise de s’insérer dans les chaines de valeur intégrées à l’échelle mondiale. Garder la corporation traditionnelle ne signifie cependant pas qu’il n’y a pas lieu de revoir le mode et le niveau d’imposition de ses revenus.

Pour une réforme radicale de la fiscalité des entreprises

 Bien que le régime fiscal américain touchant les entreprises soit unique à bien des égards, il pose des questions sur la fiscalité des entreprises qui sont valables au Canada et ailleurs dans le monde. Les impôts perçus au niveau de l’entreprise sont en effet une source importante d’évasion fiscale et de compétition peu productive entre les États.  Nous prônons l’abolition  de tels impôts et l’attribution des revenus taxables aux actionnaires ou aux propriétaires de l’entreprise. Nous fondons cette recommandation sur les raisons suivantes :

a)     il est coûteux de percevoir les impôts sur les entreprises et les taux de paiement et de récupération sont bas; localiser le domicile des individus peut être complexe mais cette tâche apparait plus facile que d’identifier des sièges sociaux dont certains ne sont que des coquilles vides;

b)     les entreprises jouent sur les prix de transfert des biens et de services dans leurs réseaux de filiales de façon à déclarer leurs profits là où la fiscalité est la moins élevée;

c)     les entreprises s’adonnent à des «inversions», soit à l’acquisition de firmes étrangères à qui elles confèrent le statut de maison mère afin de profiter de conditions fiscales plus avantageuses ;

d)     la répartition de la charge fiscale entre l’entreprise, ses actionnaires, ses clients, les employés, demeure opaque;

e)     les paradis fiscaux perdraient une partie de leur raison d’être ;

f)     les États n’auraient plus à se livrer à une concurrence fiscale coûteuse ;

g)   les entreprises canadiennes sont désavantagées par rapport à leurs contreparties américaines ; au Canada, les crédits d’impôt pour dividendes atténuent le problème de double imposition mais les entreprises canadiennes sont désavantagées par rapport aux concurrentes américaines enregistrées selon le sous-chapitre S puisque ces dernières ne paient pas d’impôt sur leur revenu;

h)     il serait plus facile d’assurer la progressivité du régime fiscal.

 Conclusion 

Abolir progressivement l’impôt sur les revenus des entreprises est un projet ambitieux au plan politique. Nous croyons cependant qu’il mérite d’être évoqué compte tenu de ses avantages pour la simplification et pour l’efficacité des régimes fiscaux.


[1] Certains pays, dont la Suède, n’ont qu’un impôt sur la valeur ajoutée taxée au niveau de l’entreprise. Notons de plus qu’une dizaine d’États américains n’ont pas d’impôt sur les revenus des entreprises.

[2] America’s Shrinking Corporate Sector, Tax Foundation, January 6, 2015.