Introduction
D’innombrables écrits ayant traité des sujets que nous abordons dans ce texte, nous en restons à des énumérations de sujets à considérer dans la mise au point des politiques. Nous proposons de donner une importance accrue au contexte extérieur comme déterminant des politiques nationales de développement économique.
Un nouveau contexte économique social et environnemental
Le contexte économique extérieur a beaucoup évolué au cours des dernières décennies et plus particulièrement au cours des dernières années. Parmi les traits saillants de ce contexte, notons:
- un glissement de l’activité économique du Nord vers le Sud et vers les pays de l’Asie du Pacifique;
- une croissance économique lente accompagnée d’une création d’emploi anémique axée sur les emplois à haute valeur ajoutée aux dépens des emplois routiniers;
- l’augmentation du commerce d’intrants à l’intérieur de chaines de valeur ajoutée continentales et mondiales;
- la séparation moins nette entre biens et services, ces derniers étant nécessaires soit en amont (design) soit en aval (service après vente) pour la vente de biens;
- une prise en considération grandissante de la réglementation et des barrières non tarifaires dans les ententes commerciales que ce soit avec l’Europe ou avec les pays du Pacifique;
- le rapatriement en Amérique du Nord de certaines productions précédemment délocalisées;
- une productivité du travail encore inférieure au Québec à celle de l’Ontario et de l’ensemble canadien;
- des inégalités de revenus qui s’accentuent et une pauvreté qui perdure.
Des changements des politiques commerciales, industrielles, régionales et environnementales dans nombre de pays.
Les changements qui viennent d’être énumérés entrainent au Québec et au Canada la nécessité d’adapter nombre de politiques gouvernementales. D’ailleurs, un nombre grandissant de pays révisent leurs politiques de développement économique en poursuivant l’un ou l’autre ou plusieurs des objectifs suivants :
- augmenter les exportations;
- créer des emplois de haute valeur ajoutée;
- favoriser l’innovation et l’entrepreneurship;
- encourager la commercialisation des innovations;
- former des grappes industrielles performantes;
- améliorer la qualité du capital humain et des infrastructures multimodales;
- pénétrer des chaines mondiales de valeur ajoutée;
- stimuler le développement des activités de services de même que celles du design et de la fabrication additive (la fabrication d’objets à partir de données informatiques 3D, habituellement couche après couche);
- utiliser des technologies avancées pour des applications en médecine et dans d’autres domaines;
- susciter la mise sur pied de nouvelles entreprises;
- améliorer le recrutement et la rétention des immigrants investisseurs;
- établir des zones bénéficiant d’avantages particuliers destinés à stimuler la croissance; ainsi l’Etat de New York vient d’annoncer la création de zones reliées aux universités où les entreprises disposeront d’espaces commerciaux gratuits en plus d’être exemptées des taxes de vente, des taxes foncières et des impôts corporatifs, et leurs employés des impôts sur les revenus (selon Huffington Post Québec, 30 mai 2013);
Ces initiatives ont pour effet de modifier les avantages comparatifs des différentes économies nationales en ce qui a trait à leur capacité d’attirer les investisseurs et de produire des biens et des services compétitifs.
Que faire au Québec : quelques éléments.
Dans le contexte qui vient d’être évoqué, le gouvernement du Québec peut-il atteindre ses objectifs de croissance durable sans un ajustement important de ses politiques? Cela est loin d’être sûr et il nous apparait impératif de procéder aux révisions et aux changements suivants :
1) accorder plus d’attention et de ressources à l’identification des marchés d’exportation dynamiques et au positionnement dans des chaines mondiales de valeur ajoutée que ce soit comme exportateurs ou comme importateurs de biens ou de services utilisés comme intrants ;
2) mesurer la valeur ajoutée nationale et étrangère dans les exportations et les importations et ce, afin de maximiser les exportations à haute valeur ajoutée et d’identifier des produits et services pouvant être substitués aux importations[1];
3) encourager la différentiation des produits et des services, et la diversification des marchés des PME;
4) aider en priorité les entreprises exposées au secteur extérieur comme exportatrices ou importatrices;
5) aider par du capital de risque et des services de mentorat les entreprises en démarrage ou devant faire place à la relève;
6) concentrer les efforts sur la création d’emplois productifs, ceux-ci permettant de créer et de maintenir des emplois qui en dépendent;
7) favoriser la commercialisation des innovations faisant appel aux nouveaux matériaux, aux biotechnologies, aux nanotechnologies et à la fabrication additive;
8) revoir les politiques d’investissement direct étranger, entre autre pour favoriser le retour des activités délocalisées (reshoring); cette révision doit se faire à la lumière des facteurs déterminants que sont les couts de transport, les taux de change,les couts énergétiques et la proximité des marchés et des fournisseurs, et elle doit tirer parti des chaînes de valeur ajoutée et des grappes industrielles;
9) effectuer une nouvelle évaluation du fonctionnement des grappes industrielles pour développer les liens entre les grappes sectorielles et entre les grappes régionales et l’économie montréalaise;
10) revoir la «gouvernance» de la région de Montréal et doter la région d’une stratégie inter-métropole efficace;
11) rationaliser les interventions en développement économique industriel et régional en redéfinissant les rôles respectifs des comités sectoriels de main-d’œuvre, des conférences régionales des élus et de l’éventuelle Banque de développement économique du Québec;
12) revoir et redéfinir les espaces économiques régionaux pertinents pour les interventions; les niveaux MRC, RMR ou région administrative ne sont pas toujours indiqués étant donné les bassins de main-d’œuvre et de fournisseurs reliés aux objectifs visés;
13) revoir la fiscalité municipale puisque l’assiette foncière ne permet pas aux villes d’assumer le rôle de plus en plus important qu’elles ont a jouer dans la nouvelle économie;
14) améliorer la qualité de la formation et son adéquation avec les besoins du marché du travail,
15) améliorer la disponibilité et la performance des infrastructures multimodales en matière de transport, de mobilité et de communication.
Les gouvernements ont annoncé des initiatives dont certaines en rapport avec l’un ou l’autre de ces thèmes mais leur approche part d’un examen trop étroit et trop axé sur le court terme.
Conclusions
Le contexte budgétaire de même que les connaissances et les ressources disponibles forcent des choix dans le vaste menu évoqué ci-haut. Ces choix doivent privilégier l’intégration et l’harmonisation des politiques à la lumière du contexte extérieur. En outre, ils doivent reposer sur des analyses tenant compte non seulement de la situation actuelle mais des perspectives à moyen terme. Enfin, ils doivent être accompagnés d’activité de suivi et d’évaluation.
[1] Comme nous l’avons souligné dans un article antérieur, les données conventionnelles du commerce attribuent au dernier pays exportateur la valeur entière du bien ou service exportés sans tenir compte des intrants intermédiaires qui y sont incorporés. Cette méthodologie ne permet pas de bien identifier les industries et les régions les plus créatrices d’emplois et de revenus. Voir : Des données fort attendues sur le commerce extérieur, Libres Échanges, 4 février 2013, 0