QUEL SERA LE SORT RÉSERVÉ AU PARTENARIAT TRANSPACIFIQUE?

Le Partenariat transpacifique (PTP) est, pour l’essentiel, un calque de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) et de ses Accords de coopération en matière d’environnement et de travail, si l’on se base, pour l’instant, sur le contenu de l’entente de principe survenue le 4 octobre dernier. Il y a bien sûr des ajouts ou des aménagements pour tenir compte de l’évolution de la façon de commercer de nos jours et pour faciliter l’adhésion  de pays en développement. Toutefois, son cadre de référence est bien l’ALÉNA. Le PTP en viendrait ainsi, en pratique, à étendre à neuf autres pays riverains du Pacifique la zone de libre-échange déjà en vigueur entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Il reste toutefois à compléter des étapes importantes, notamment la rédaction du texte formel de l’entente et à obtenir sa ratification chez les divers pays concernés.

Le fait que le PTP s’inspire de l’ALÉNA, dont les origines remontent à il y a un peu plus d’un quart de siècle avec l’adoption de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, n’assure pas pour autant sa mise en œuvre. Sa filiation aux Accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), bien qu’évidente, n’est pas non plus gage qu’il voit le jour.

Les projets d’accords commerciaux de grande portée, tant sur le plan du contenu que du nombre de partenaires, ont de la difficulté à se concrétiser depuis le milieu des années 1990 ou le début du millénaire. Pensons au projet de zone de libre-échange des Amériques, aux négociations commerciales multilatérales de Doha sous l’égide de l’OMC, aux tentatives de négocier un accord de libre-échange entre les pays membres de l’APEC, et, plus récemment, au projet d’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (UE) et à la nouvelle tentative de négocier une entente équivalente entre les États-Unis et l’UE. Ajoutons à cela que même l’Union européenne est remise en question dans certains milieux, notamment au Royaume-Uni où le maintien de ce pays dans l’UE pourrait faire l’objet d’une consultation populaire à court ou moyen terme.

On aurait pu croire qu’une fois engrangés les impacts et les retombées des accords commerciaux de grande envergure de la fin du vingtième siècle et de l’adhésion de la Chine à l’OMC en 2001, l’élan vers de nouveaux accords et leur attrait seraient pratiquement irrésistibles.

Le ressac contre la mondialisation de l’économie et l’inquiétude que suscitent les nouveaux projets de libéralisation ont toutefois eu raison jusqu’à maintenant des intentions des gouvernements et des milieux économiques. L’adhésion de la population à ces initiatives n’est plus aussi largement répandue qu’auparavant, et les manifestations des groupes antimondialisation et leur version «Occupy» ont obtenu bien des appuis ces dernières années. La récession et la crise financière de 2008-2009, suivies d’une reprise et d’une expansion modestes de l’économie mondiale, ont aussi contribué à fragiliser l’appui populaire à la libéralisation des échanges commerciaux et de l’investissement.

Pour revenir de façon plus spécifique à la question de départ, le sort du PTP risque bien de se jouer aux États-Unis. Sans leur adhésion, cet accord perdrait une bonne partie de sa signification économique pour un bon nombre de pays. Peu d’États se risqueront à le ratifier sans avoir l’assurance que les États-Unis en feront autant. Or, à ce sujet, les paris sont ouverts, et on ne peut avec certitude, pour l’instant, affirmer dans quel sens le Congrès américain penchera lorsque le PTP lui sera soumis par l’Administration américaine pour obtenir l’autorisation de le signer, à la fois du Sénat et de la Chambre des Représentants.

Quant au Canada, si le PTP ne va pas de l’avant, il pourra toujours trouver consolation  dans le fait qu’il a déjà des accords de libre-échange avec quatre des onze autres participants aux négociations et à l’entente de principe, soit les États-Unis, le Mexique, le Chili et le Pérou. Sur la base du contenu du PTP, il pourra aussi intensifier ses négociations déjà amorcées sur une base bilatérale avec le Japon et Singapour, eux aussi du club des douze.

En conclusion, l’entente de principe du 4 octobre n’est qu’une étape dans un processus long, complexe et parsemé d’embûches avant que le PTP ne devienne réalité. Quant au sort qui lui sera ultimement réservé, seul l’avenir le dira.  Peut-être saura-t-il obtenir suffisamment d’appuis pour infléchir la tendance des quinze ou vingt dernières années.