RECETTE POUR UN QUÉBEC PROSPÈRE

La mesure suprême du niveau de vie d’une collectivité est le volume réel de sa consommation totale par habitant. Qu’est-ce que cette consommation totale ? C’est la somme de la consommation privée des ménages (alimentation, logement, vêtement, automobile, etc.) et de leur consommation de services publics (éducation, santé, défense, justice, sécurité publique, traitement des eaux, etc.). Pour 2012, Statistique Canada a estimé la consommation totale par habitant à 36 900 dollars au Québec et à 40 200 dollars en Ontario. Le Québec a donc dépensé 8 % de moins que son voisin ontarien.

Cependant, nous savons tous par expérience que les prix à la consommation sont plus bas au Québec qu’en Ontario. Par exemple, Statistique Canada estime qu’à caractéristiques et qualités identiques, le logement était moins cher de 28 % à Montréal qu’à Toronto en 2012. Le tarif réduit de sept dollars par enfant par jour que les parents québécois versent aux garderies est, lui aussi, plus bas qu’ailleurs au Canada. Enfin, les services publics coûtent moins cher au Québec, notamment parce que les salaires des employés de l’État sont de 14 % plus faibles qu’en Ontario.

Tout compte fait, on peut estimer que les prix à la consommation (privée et publique) sont plus bas de 9 % au Québec qu’en Ontario. Cela veut dire que, en 2012, ce qui a coûté 40 200 dollars à l’Ontarien moyen aurait coûté 9 % de moins au Québécois moyen, soit seulement 36 600 dollars. Comme il a dépensé en fait 36 900 dollars, non seulement le Québécois aurait pu consommer tout ce que l’Ontarien a obtenu, mais il lui serait resté un petit surplus de 300 dollars. De plus, cet écart de prix de 9 % entre les deux provinces ne tend pas à diminuer avec le temps, puisque l’indice de prix de la consommation totale enregistré par Statistique Canada augmente à peu près au même rythme dans les deux provinces.
En fin de compte, avec un niveau de dépense inférieur de 8 %, mais un avantage de prix de 9 %, les Québécois ont pu consommer en 2012 un volume réel de biens et de services légèrement supérieur (de 1 %) à celui des Ontariens — les petits 300 dollars en surplus.

Cet avantage net des Québécois sur les Ontariens pour ce qui est de la consommation totale par habitant existe depuis le tournant du millénaire. Mais il n’est pas sûr qu’il puisse se maintenir dans les années futures. Avec le vieillissement, le rapport entre le nombre de travailleurs et le nombre de consommateurs diminuera dans les deux provinces, mais la baisse sera plus marquée au Québec, parce que celui-ci vieillit plus vite. Conséquence  : l’emploi, le revenu et la consommation par habitant tendront à croître plus lentement au Québec qu’en Ontario.

Pour éviter que notre niveau de vie ne redescende en dessous de celui de l’Ontario, le seul antidote possible serait que notre productivité se mette à progresser plus vite que celle de notre voisin. Cela veut dire qu’il faudrait que nos travailleurs, bien que moins nombreux, puissent produire beaucoup plus par heure travaillée. Or, le progrès est lent. Bien que le Québec enregistre une productivité supérieure à celle de l’Ontario depuis 10 ans (de 3 % environ), il n’est pas parvenu jusqu’ici à accroître cette avance.

Mieux gérer la santé et accélérer la productivité sont nos deux plus grands défis économiques. Les récents discours du premier ministre Couillard montrent qu’il en fait ses deux grandes priorités. Nous sommes encore loin du but, mais au moins, c’est un bon départ.

(Ce billet fait suite à une série de 4 articles publiés dans le blogue de l’Association des économistes québécois : Comment se comparent le Québec et l’Ontario en niveau de vie ?, 9 juillet 2014; Le niveau de vie comparé du Québec et de l’Ontario : la qualité des logements importe-t-elle ?, 13 juillet 2014; Le niveau de vie comparé du Québec et de l’Ontario : faut-il tenir compte des produits subventionnés ?, 16 juillet 2014; Le niveau de vie comparé du Québec et de l’Ontario : conclusions, 20 juillet 2014. Ces billets, de même que le texte plus haut, sont des reprises d’articles parus dans le magazine L’Actualité.)