Le projet de loi nº 3, intitulé Loi favorisant la santé financière des régimes de retraite à prestations déterminées dans le secteur municipal, contredit l’une des règles de base au bon fonctionnement de l’économie, soit le respect des contrats. Ces derniers ne peuvent pas être modifiés rétroactivement sans le consentement de toutes les parties.
Un paragraphe des notes explicatives au projet de loi explicite les items qui nous concernent :
« Le projet de loi prévoit également que les régimes doivent être modifiés afin de prévoir que les déficits imputables aux participants actifs le 1er janvier 2014, pour le service accumulé avant cette date, sont assumés à parts égales entre ces participants actifs et l’organisme municipal. Aussi, le projet de loi autorise l’organisme municipal à suspendre l’indexation des rentes des retraités d’avant le 1er janvier 2014 afin d’assumer leur part des déficits et impute le solde des déficits à cet organisme municipal. »
Ainsi, les présents déficits actuariels des régimes de retraite du secteur municipal ne seraient plus entièrement à la charge des corporations municipales comme le prévoyaient les différentes ententes collectives. Ils deviendraient partagés par les employés actuels et aussi par les retraités avec la suspension de l’indexation de leurs rentes.
Le gouvernement provincial modifie unilatéralement les conditions ou ententes que les parties avaient librement consenties. Le gouvernement agit comme si les corporations municipales affrontaient un manque de paiement ou une menace de faillite. Les agences de notation financière ne devraient-elles pas en tirer une conclusion sur leur appréciation de la solidité financière des municipalités québécoises ?
Pourquoi ces modifications rétroactives aux ententes ?
Des maires et leurs associations ont demandé des modifications rétroactives aux ententes sur les régimes de pension pour affronter plus facilement le gouffre des déficits actuariels. Les nouvelles dispositions permettront donc des augmentations de taxes municipales moins élevées ou des coupures allégées des dépenses.
Le projet de loi profite à une majorité de contribuables aux dépens d’une minorité, les présents employés et les retraités des municipalités. Cela est mis en vigueur par le non-respect d’une norme essentielle au bon fonctionnement de l’économie : le respect des obligations librement acceptées ou des contrats. Quel signal ce projet de loi donne-t-il pour la validité des « règles du jeu » de la société québécoise ?
Un cas imaginaire relié aux institutions financières
Le projet de loi vise à réduire le fardeau municipal des ententes passées sur les régimes de retraite. Quelles seraient les réactions des processus politiques au cas imaginaire suivant ?
Pendant une décennie de 1973 à 1982, le Canada a connu une période inhabituelle d’augmentation des prix. L’indice des prix à la consommation eut une croissance annuelle entre 7,2 et 12,5 pour cent, dont dix pour cent et plus, pour la moitié de la période.
Les institutions financières sont créatrices de liquidité : elles empruntent à plus court terme, par l’entremise des dépôts, pour prêter à plus long terme, avec des prêts hypothécaires. Avant 1973, c’était encore plus vrai; les prêts hypothécaires étaient généralement émis pour une durée de vingt-cinq ans avec un taux d’intérêt fixe jusqu’à l’échéance.
L’inflation élevée de la période de 1973 à 1982 eut donc un effet redistributif : les bénéficiaires des prêts hypothécaires émis avant 1973 assumaient un taux annuel inférieur au taux d’inflation. C’est une situation fort intéressante pour eux. De leur côté, les institutions financières devaient respecter leurs contrats en une période où les taux d’intérêt étaient élevés.
Quelles auraient été les réactions des processus politiques si des institutions financières avaient demandé un pouvoir d’ajuster les taux d’intérêt sur les hypothèques émises avant 1973 pour tenir compte d’une inflation non prévue ? Une réponse négative est évidente : les ententes ou contrats se devaient d’être respectés.
Conclusion
Le projet de loi nº 3 contredit une règle essentielle au bon fonctionnement de l’économie, le respect des contrats. Dans ce sens, Robert Menzies, qui occupa le plus longtemps le poste de Premier ministre d’Australie pour un total de dix-huit ans et demi, déplorait la violation de la « sainteté des contrats », sans laquelle il n’y avait « pas d’espoir pour notre salut ». (Haigh, 2008 : 100)